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Jankovic: «Je n’ai pas quitté le Standard fâché »

Aleksandar Jankovic, un mot d’abord sur cet intervalle qui nous sépare du 17 avril 2017 où Bruno Venanzi, votre dernier soutien à Sclessin, a fini par devoir couper le fil. Qu’avez-vous fait depuis lors ?

Ce que tout entraîneur en disponibilité rêve de faire : d’abord s’occuper enfin de lui et de sa famille. Ensuite aller voir un peu partout auprès des confrères comment ça se passe. Parallèlement à cette volonté d’apprendre des autres, j’ai aussi beaucoup nagé, beaucoup couru. Consacré du temps à aller voir jouer mon fils de 17 ans en tournoi à l’Étoile rouge, et discuté avec ma fille qui entre dans l’adolescence. Ma femme aussi, a enfin eu son mari à la maison.

Une vie de famille trop souvent vécue à distance…

C’est la vie, le métier et la scolarité des enfants qui veulent ça… On s’y est fait tous les quatre et à chaque fois, les retrouvailles n’en sont que plus intenses.

N’avez-vous jamais songé à déménager tout votre petit monde en Belgique ? Après tout, vous y êtes depuis 2014, non ?

C’était le but à l’issue de ce qui devait être la première de mes trois années de contrat au Standard. Mais les événements en ont décidé autrement.

Justement, parlons-en de ces événements. Quel regard jetez-vous sur votre passage d quelques mois à Sclessin, sans le succès escompté ?

Une manière polie de parler d’échec, c’est ça ?

Si vous voulez…

Je ne le vois pas comme ça. Bien entendu, il y a les faits, avec la non-qualification pour les Playoffs 1, cette impossibilité de travailler le fond en jouant tous les trois jours avec l’Europa League et ces matches que l’on aurait pu ou dû gagner comme lors de ce score de forfait pour les deux équipes lors du derby à Charleroi où nous menions. Je ne veux pas m’afficher devant vous en martyr. Je regrette juste, quand je vois la qualité d’ensemble de mon noyau, de ne pas avoir trouvé ou pour ma part, su créer les conditions où tout le monde est performant en même temps. Et qui, à une autre échelle, ont fait de Gand, de Bruges et d’Anderlecht des champions. Ou de Charleroi et d’Ostende des participants aux PO1, par exemple. Je pourrais sortir un à un les arguments qui assureraient au mieux ma défense, mais je ne vais pas aller plus loin.

Pour quelles raisons ? Les gens ont envie de savoir, après tout !

De la même manière qu’ils aimeraient peut-être qu’il y ait une caméra en permanence dans le vestiaire pour y voir tout ce qui s’y passe. Heureusement pour le foot, il y a encore des portes entre une équipe et ses supporters. Sans ça, le travail de tout un club serait invivable. Il y a des choses qui peuvent se savoir et d’autres qui doivent rester en interne.

Lesquelles, par exemple ?

Que ma séparation avec le Standard ne s’est pas effectuée totalement dans les conditions que l’on croit. Lorsqu’ils sont venus me chercher à Malines, Bruno Venanzi, Olivier Renard et Daniel Van Buyten tenaient le même discours. Ce sont leurs paroles convaincantes, leurs projets d’avenir et surtout leurs yeux déterminés qui m’ont convaincu de sortir de ma zone de confort malinoise. J’ai toujours fonctionné au feeling et là, mon instinct me disait d’y aller. Puis un jour, l’absence de résultats (il faut rester réaliste) a commencé à engendrer les premières divisions. Normal, que le stress s’installe quand on ne gagne plus et qu’on ne recolle pas à la bonne échappée. Si j’ai fini par arriver aux mêmes conclusions que le président, ce n’est pas à cause d’un différend avec l’un des membres du trio qui m’avait engagé. Ce sont plus les nuages entre eux qui ont assombri notre ciel commun. Et, notre échec reste collectif, je le répète.

Et un échec consécutif à celui d’un mercato hivernal complètement raté, à l’inverse de celui de l’été avec Sa et Belfodil…

Ça, en revanche c’est l’exemple de ce qui restera entre mes anciens patrons et moi. On s’est expliqué là-dessus et sur pas mal d’autres choses. Mais encore une fois, derrière une porte. C’est la même chose pour mes joueurs : chacun d’entre eux a eu a eu l’occasion de m’entendre à leur propos en huit mois de cohabitation. Et devant le staff, pour qu’il n’y ait pas d’équivoque possible.

Ce choix du huis clos permanent, doublé d’un discours toujours contrôlé face caméra, vous fait une réputation d’entraîneur trop gentil pour un grand club. Le mesurez-vous ?

Prenez dans mon GSM les numéros que vous voulez et appelez les joueurs que vous souhaitez. Parmi ceux que j’ai lancés ou relancés dans les clubs où je suis passé, quatre jouent aujourd’hui à Anderlecht : Spajic, Obradovic, Hanni et Trebel. J’ai eu des mots très durs avec l’un d’entre eux par rapport à son attitude, sa position dans de jeu et sa carrière. Aujourd’hui qu’il est sous contrat au parc Astrid, il a compris que je ne visais jamais l’homme mais le joueur. Et que j’ai agi pour son bien. Son papa et lui m’en remercient encore souvent. Pour en revenir au discours que vous trouvez peut-être trop lisse après les matches, j’ai toujours eu pour principe de ne pas régler mes comptes par médias interposés car ça fragilise le groupe et les relations à tous les échelons. Vendre l’intimité du groupe pour garder des points dans les médias, je ne le ferai jamais ! J’ai appris à l’Étoile rouge, un des 22 clubs en Europe qui a gagné un jour la Ligue des champions. Pour certains entraîneurs ou dirigeants, c’est la solution de facilité, mais ça ne fait que détourner l’attention pour un temps. Ça ne résout jamais les vrais problèmes entre un coach et son groupe. Car c’est comme avec sa direction : on sait avec qui on s’engage mais l’essentiel est de jauger le comportement potentiel en cas de problème. Car un jour ou l’autre, les problèmes surgissent toujours… Voyez comme René Weiler a été soutenu par Herman Van Holsbeeck, même lorsque les résultats ne suivaient pas et que la presse avait révélé sa cote d’impopularité auprès de sa direction. Quand Bruges est passé à côté du titre en 2015, Bart Verhaeghe et Vincent Mannaert ont toujours calmé le jeu en affirmant que le temps du Club viendra. C’est ça, durer dans le temps.

Des regrets vous concernant ?

Je ne cracherai jamais dans la soupe par rapport au Standard, je vous l’ai dit en préambule à cette interview. Une nouvelle page va commencer à s’écrire sans moi mais ce n’est pas pour ça que l’on peut dire que je suis parti fâché avec Bruno Venanzi ou Olivier Renard. Quand on quitte un club prématurément comme j’ai dû le faire, l’essentiel est d’en sortir plus intelligent et de continuer toujours un peu mieux sa route.

Vous avez l’habitude de rebondir un peu partout : pourquoi vous résigner à faire l’impasse sur un redémarrage estival ?

Vu mon parcours et sans passer pour un mégalomane, je dirais que le monde est effectivement un peu mon terrain de jeu. Je suis prêt à partir demain, n’importe où. Mais à une condition : qu’on me présente un vrai projet et que je sente les gens. Je pouvais signer dans un club dans un pays proche de la Serbie, avec pratiquement le même contrat que j’avais eu Standard, mais je ne l’ai pas fait. Ce n’était ni l’endroit, ni le moment.

On dirait que le côté éphémère de la profession ne vous effraie pas…

Au contraire, il me rebute. Franchement, changer de club comme j’ai parfois dû le faire, ça m’emmerde profondément, même si je sais qu’il n’y a jamais que deux catégories d’entraîneurs : ceux qui sont virés et ceux qui vont l’être. J’aime me fixer, comme je l’ai fait à Malines et comme j’espérais le faire via un contrat de trois ans au Standard. Mon rêve était de pouvoir recommencer à construire ce que j’avais fait derrière les défuntes Casernes : mettre sur pied un système capable de se ressourcer à chaque vente de joueurs, grâce à la formation. Et remplir les caisses. Voyez ce que le KaVé a vendu ces dernières années et pour combien : plus ou moins 10 millions d’euros ! Après Hanni, Obradovic, Cissé et Kosanovic, voyez aussi ce qu’il commence à sortir comme jeunes joueurs, comme Vanlerberghe qui vient de signer à Bruges. C’est ça qu’il faut faire.

À l’échelle belge, certainement.

Mais à d’autres niveaux aussi. Partout en Europe ! À part à Manchester City ou au PSG où tout s’achète, il faut être capable de former les joueurs de demain. Le Standard l’avait compris pratiquement avant tout le monde en créant l’Académie il y a vingt ans avant d’essayer de trouver son second souffle aujourd’hui. Et même des clubs du subtop comme Malines commencent à investir dans les structures servant à la formation. Ce que ce club a réalisé quinze ans après la faillite est remarquable. En osant la transformation de son stade à un moment délicat, comme Gand et Zulte Waregem l’ont fait juste avant eux. Les clubs qui, chacun à leur niveau, ont un vrai projet, sont en train de réussir la transformation nécessaire à survivre dans un monde où il y a sans cesse plus et trop d’argent : Anderlecht, Bruges, Charleroi, Zulte Waregem, Ostende, Malines où Ferrera a eu cent fois raison de signer tout de suite après son limogeage au Standard. C’est un club taillé pour les jeunes entraîneurs ambitieux à qui le travail ne fait pas peur !

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