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Guillermo Ochoa, le monde de Memo

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À 32 ans, Guillermo Ochoa, véritable star au Mexique, a mis le cap sur le Standard. Un beau coup des Rouches, mais un choix qui fait débat dans son pays.

Guillermo Ochoa, le monde de Memo

Guillermo Ochoa qui exulte : une image qu’on espère voir souvent à Sclessin. © belgaimage

L’accueil aurait pu être plus chaleureux. En s’engageant avec les Rouches, le Mexicain Guillermo Ochoa, dit  » Memo « , n’a clairement pas suscité un enthousiasme démesuré chez ses compatriotes.  » Ochoa signe au Standard alors que dix équipes européennes cherchent encore un gardien  » titrait ainsi le site d’ESPN Mexique. Une manière de questionner un choix qui serait aussi précipité que malheureux.

 » Pour Memo Ochoa, vivre en Europe est devenu plus important que le niveau de la compétition dans laquelle il évolue « , taclait de son côté, Victor González, journaliste de Televisa. Dans les colonnes du quotidien sportif, la Afición, Rafa Ocampos ne se montrait pas plus tendre :  » Après Grenade, l’une des équipes les plus faibles d’Espagne (…) il rejoint un championnat belge qui a perdu tout relief « .

Pour le gardien d’El Tri, surnom de la sélection nationale, le coup de grâce est venu de Carlos Hermosillo, le seul Mexicain à avoir évolué au Standard (1989-90).  » C’est un pas en arrière dans sa carrière, considérait l’ex-attaquant, je ne comprends pas pourquoi il a va dans des équipes qui ne vont rien lui apporter de positif « . N’en jetez plus !

Le dimanche 9 juillet, jour de l’officialisation de sa signature, sera pourtant une date qui compte dans la vie de Memo Ochoa. Le gardien a ainsi lié son destin pour deux ans aux Rouches, mais a aussi, et surtout, pris un engagement pour la vie, en se mariant avec l’ex-mannequin et mère de ses deux enfants, Karla Mora. Une coïncidence qui permet de mieux comprendre les réactions cinglantes à son transfert. Car, au Mexique, Memo Ochoa est une star. Son mariage à Ibiza a fait la une de la presse people.

Et il y avait de quoi. L’événement réunissait des coéquipiers de sélection, comme le légendaire, Rafa Marquez (38 ans), mais aussi Sofia Castro, belle-fille du président de la République, Enrique Peña Nieto, et des grands noms de l’économie mexicaine, comme Carlos Slim Domit, le fils de Carlos Slim, l’ex-homme le plus riche du monde, selon Forbes, de 2009 à 2013.

Nominé pour le Ballon d’or en 2006

Memo Ochoa a commencé à se faire connaître du public mexicain à seulement dix-huit ans. En février 2004, Leo Beenhakker, alors entraîneur de l’América Mexico, le lance au coeur de l’Estadio Azteca, l’immense arène anoblie par la tenue de deux finales de Coupe du Monde (1970 et 1986). Une enceinte qui peut accueillir plus de 100.000 spectateurs. Produit du centre de formation des  » aguilas  » (les aigles, surnom de l’América), Memo profite du forfait du gardien titulaire pour pénétrer soudainement dans le monde glamour de l’ultra-médiatisation.

Car l’América, club le plus populaire de la gigantesque capitale mexicaine (plus de 20 millions d’habitants), est aussi une créature de Televisa, la plus importante chaîne de télévision mexicaine. Grande productrice de telenovelas, qu’elle exporte à travers le monde, Televisa est une machine à fabriquer des idoles populaires, et l’América l’un de ses produits phares.

Jeune, beau gosse et charismatique, Ochoa fait office de don du ciel pour le grand groupe de télécommunications, qui va l’exposer plus que de raison. Le portier à la touffe frisée devient rapidement un people dont la vie amoureuse s’étale sur la place publique. Le Mexique saura ainsi tout, ou presque, des hauts et des bas de sa relation avec Dulce María, une chanteuse populaire que Televisa a aussi rabattu dans son giron, en lui faisant tourner des telenovelas.

Sur le terrain, l’ascension est tout aussi vertigineuse pour le jeune portier. En 2005, il s’impose comme titulaire indiscutable des  » Aguilas « , est sacré champion du Mexique lors du tournoi de clôture de la compétition, avant d’être appelé en sélection. Séduit par l’aplomb du jeune homme, Ricardo La Volpe en fera même son troisième gardien lors du Mondial 2006. L’aura d’Ochoa est telle qu’elle franchit les frontières mexicaines, comme en témoigne sa présence, en 2007, parmi la liste des cinquante nominés pour le Ballon d’or, au milieu des Kaka, Messi, ou Rooney.

Relégué sur le banc lors du Mondial 2010

Avec sa tignasse bouclée, le nouveau gardien des Rouches est une figure emblématique d'El Tri, la sélection mexicaine.

Avec sa tignasse bouclée, le nouveau gardien des Rouches est une figure emblématique d’El Tri, la sélection mexicaine. © belgaimage

Coup d’arrêt. Au moment de la Coupe du Monde 2010, l’irrésistible ascension de la jeune star est stoppée net. Titulaire lors des éliminatoires et chéri des sponsors d’ElTri, le natif de Guadalajara a pourtant de quoi se sentir intouchable. Un texte qu’il doit interpréter dans une série comique de Televisa lui fait d’ailleurs dire ceci :  » Personnen’est meilleur que moi, tu peux demander à Aguirre « .

Mais une équipe ne se fait pas sur les plateaux télés, et le sélectionneur, Javier Aguirre, va justement reléguer Ochoa sur le banc en Afrique du Sud, au profit du vétéran, Oscar Pérez, 37 ans, déjà titulaire lors du Mondial 2002. Pour Memo, il y aura un avant et après Mondial 2010.  » L’entraîneur ne m’a jamais donné ses raisons, mais c’est un moment qui m’a marqué « , a reconnu le néo-Rouche, dans une interview donnée en 2014.

Une conviction commence à grandir en lui : pour devenir indiscutable en sélection, il doit sortir de son cocon mexicain, et émigrer en Europe.  » Quand tu vis ce genre d’expérience, tu ne te résignes pas « , nous confie l’ex-gardien fluorescent, Jorge Campos.  » Au contraire, cela te pique au vif et te motive pour être encore meilleur. Et Memo a prouvé depuis que cette épreuve l’a renforcé.  »

Dès l’été 2010, Ochoa s’envole d’ailleurs pour l’Angleterre. Il revient toutefois bredouille d’une semaine de tests à Fulham sur lesquels plane encore aujourd’hui le plus grand mystère. En 2011, Ochoa insiste et son heure semble enfin venue. Le PSG, qui veut se faire une place parmi les grands d’Europe depuis l’arrivée des Qataris, a jeté son dévolu sur le Mexicain.

Mais un an après sa déconvenue du Mondial, le portier va à nouveau se voir couper les ailes quand il pense prendre son envol. Le 9 juin, la Fédération mexicaine annonce que le gardien, alors concerné par la Gold Cup, a été contrôlé positif au Clembutérol, une substance qui a la propriété d’aider à brûler des graisses tout en produisant du muscle. Au total, cinq joueurs d’El Tri sont accusés d’avoir enfreints le règlement anti-dopage. La Fédération mexicaine plaide toutefois l’accident, en assurant qu’une consommation de viande contaminée au Clembutérol est en cause.

Sex-symbol pour les Memomaniacas

Début juillet, Ochoa est blanchi. Mais le PSG a alors déjà abandonné la piste menant au gardien de l’América. Memo ne se résigne pourtant pas, et va prendre son pays à revers en signant à l’AC Ajaccio, le modeste promu français. Idole nationale, payée comme tel, le gardien montre là sa détermination à réussir en Europe en acceptant une baisse significative de son salaire, même si une rumeur veut que Televisa, diffuseur de la Ligue 1 au Mexique, ait contribué à l’arrivée du gardien international sur l’île de Beauté en lui versant un complément de rémunération.

Loin de la mégalopole mexicaine où il avait déménagé dès ses dix ans, Memo va goûter au paisible cadre de vie corse. Pas d’embouteillages pour se rendre à l’entraînement, plus d’apparitions en public escortées par les cris stridents des Memomaniacas, ces jeunes filles mexicaines qui voient dans le gardien un sex-symbol, ni de paparazzi à guetter ses moindres gestes.

Les installations du club corse font certes pâle figure face à celles des équipes du championnat mexicain, mais Memo se plaît à Ajaccio. Surtout, il se fait un nom en Ligue 1. En août 2012, il marque ainsi les esprits en multipliant les parades spectaculaires face au PSG de Zlatan Ibrahimovic. Ochoa permet aux siens de ramener un inattendu match nul du Parc des Princes (0-0), et ses exploits tournent en boucle sur les écrans mexicains.

Avec ce genre de performances, Ochoa commence à générer une certaine unanimité au Mexique, où la moitié du pays s’est toujours montrée sceptique sur les qualités du gardien. En cause, quelques boulettes en sélection, notamment sur des sorties aériennes qui n’ont jamais été son point fort, mais aussi son statut d’icône de l’América, le club le plus populaire du pays avec les Chivas Guadalajara, mais surtout le plus détesté.

Alors que Chivas a pour politique de ne jouer qu’avec des Mexicains, l’América campe le rôle du riche arrogant qui se renforce à l’étranger à coups de millions de pesos (Ivan Zamorano, Claudio Lopez, ou François Omam-Biyik, sont notamment passés par le club). Pour ses détracteurs, Memo Ochoa est surtout une créature de Televisa, un gardien dont le talent ne serait pas à la hauteur de son aura médiatique. Ses apparitions avec ElTri sont même considérées avec suspicion, alors que le puissant propriétaire de l’América a aussi la réputation de faire la pluie et le beau temps au sein de la Fédération mexicaine.

Doublé par Kameni à Malaga

 » Memo se prend trop de buts sur des tirs lointains « , considérait ainsi, en mars 2010, le légendaire Antonio Carbajal, ancien portier d’ElTri et seul joueur avec Lothar Matthäus à avoir disputé cinq Coupes du monde.  » Sur les centres, il peine trop souvent dans ses sorties. Je commence à me demander s’il n’a pas des problèmes de vue et de concentration… « .

Quatre ans après sa déconvenue du Mondial 2010, Memo Ochoa va tenir sa revanche. Paradoxalement, c’est au terme d’une saison 2013-2014, où il ne peut éviter la relégation de l’AC Ajaccio en Ligue2, qu’il voit son choix d’avoir quitté le confort du championnat mexicain récompensé. Lors des derniers matches de préparation de la sélection, Ochoa, mis en balance avec Jesus Corona et Alfredo Talevera, arrache sa place de titulaire à la Coupe du Monde.

 » En Europe, il s’est perfectionné, estime Jorge Campos, du haut de ses 130 capes en sélection. Son placement est meilleur, il a joué contre de très grands joueurs, de grandes équipes, et cela t’enrichit forcément. Il est un bien meilleur gardien que quand il est parti du Mexique.  » Au Brésil, Memo rayonnera. Son match de poule face au pays hôte peut ainsi être considéré comme l’une des grandes performances individuelles de la compétition (0-0).

Il fait surtout office de carte de visite idéale alors qu’il se trouve en fin de contrat avec Ajaccio. Parmi ses prétendants, les noms de Liverpool et du Milan AC, reviennent avec insistance. Finalement, après un été riche en spéculations, un Mexique déconcerté apprend sa signature à Malaga. Le pays va même s’indigner quand le gardien, désiré par les dirigeants andalous, mais pas par l’entraîneur, se voit relégué sur le banc au profit de l’expérimenté camerounais, Carlos Kameni. Et Memo doit à nouveau repartir de zéro.

Face aux moult déconvenues de Memo Ochoa, la presse mexicaine a fini par se trouver un bouc émissaire : son agent, Jorge Berlanga. Celui-ci serait le grand responsable du parcours accidenté de son protégé, car incapable de faire succomber les grandes écuries européennes aux charmes de son client. Pour sa part, Berlanga a martelé ces dernières années qu’Ochoa payait surtout le fait de ne pas disposer de passeport communautaire, les clubs préférant réserver leurs places d’étrangers à des joueurs offensifs, plutôt qu’à un gardien.

Le rêve plutôt que l’argent

Guillermo Ochoa : un gardien et un transfert qui divisent au Mexique.

Guillermo Ochoa : un gardien et un transfert qui divisent au Mexique. © belgaimage

Selon la presse de son pays, le Mexicain ne serait d’ailleurs que de passage au Standard, le temps d’obtenir d’ici la fin 2017, son statut de citoyen européen. En Belgique, le natif de Guadalajara compte aussi accumuler du temps de jeu pour conforter son statut de titulaire en sélection, à un an du Mondial 2018, et après une Coupe des Confédérations de bonne facture.

Alors, Ochoa a-t-il opté pour les Rouches en attendant mieux ?  » Pour moi, Memo a le niveau pour jouer dans n’importe quelle équipe « , estime Jorge Campos.  » Il a de grands réflexes, notamment sur sa ligne. Il a, certes, pris beaucoup de buts ces dernières années, mais un gardien dépend toujours de la qualité de sa défense.  »

A 32 ans, Ochoa continue toutefois de diviser le Mexique. Avec Grenade, il a été le portier à réussir le plus d’arrêts en Liga lors du dernier exercice, mais aussi celui qui a encaissé le plus de buts. Des statistiques qui donnent du grain à moudre à ses partisans comme à ses détracteurs.

Son insistance à vouloir réussir en Europe fait aussi débat, alors que la MLS est prête à lui dresser un pont d’or, et que plus d’une équipe du championnat mexicain pourrait briser sa tirelire pour rapatrier la star nationale. Mais pour Ochoa  » le rêve importe plus que l’argent « , comme il l’a déclaré lors de sa présentation.

 » Il fait bien de rester en Europe « , soutient Campos.  » Je crois d’ailleurs que le Standard est un bon choix. Avec son expérience, il va beaucoup apporter au club, il va transmette sa sérénité à sa défense et va aussi aider les jeunes de l’effectif à grandir.  » En d’autres termes, Ochoa a tout pour devenir une idole de Sclessin. Mais saura-t-il faire changer d’avis le Mexique sur la pertinence de son choix ?

 » OCHOA N’A RIEN À ENVIER AUX MEILLEURS  »

Ex-sélectionneur du Mexique (1990-1991, et 1997-2000), Manuel Lapuente est sans doute l’entraîneur qui connaît le mieux Memo Ochoa pour l’avoir dirigé lors de divers mandats à la tête de l’América, de 2006 à 2011.

Que pensez-vous de la décision d’Ochoa de poursuivre sa carrière au Standard ?

MANUEL LAPUENTE : C’est un très bon choix pour les deux parties. Pour lui, l’important est de rester en Europe, et il vient de signer dans un club qui a une histoire, et où il existe une pression populaire. Pour sa part, le Standard vient de recruter un grand gardien. Pour le connaître depuis ses jeunes années, il n’a rien à envier aux meilleurs.

Pourquoi un grand d’Europe n’a t-il alors jamais misé sur lui ?

LAPUENTE : Le problème ne vient pas d’Ochoa. Si les grands clubs ne le recrutent pas, c’est leur problème. Le Real Madrid a, par exemple, osé miser sur le gardien du Costa-Rica, Keylor Navas, et ça a très bien fonctionné. Memo a la qualité pour viser plus haut.

Quels souvenirs gardez-vous du jeune Ochoa ?

LAPUENTE : Je me rappelle du moment où j’ai décidé d’en faire mon titulaire, alors que l’entraîneur précédent l’avait relégué sur le banc. Quand je suis arrivé (nda : 2006), le titulaire était argentin, et mon entraîneur des gardiens aussi. Mais je voyais Memo s’entraîner, et il me faisait forte impression. J’ai alors demandé à l’entraîneur des gardiens s’il était prêt pour être titulaire. Il m’a dit :  » Il est prêt  » : Je lui ai dit  » Tu es sûr ? Car tu joues ton poste-là ? « . Il m’a répondu :  » Je n’ai aucun doute « . Dès son premier match sous mes ordres, Ochoa a prouvé qu’il devait être le titulaire indiscutable. Alors que l’América est un club médiatique, il gérait la pression avec une grande sérénité. On avait l’impression qu’il avait 35 ans.

Quels sont pour vous ses qualités et défauts ?

LAPUENTE : Il n’est pas très bon dans le jeu au pied, mais il s’est amélioré depuis ses débuts. Ses sorties aériennes ne sont pas non plus son fort, mais son élasticité est impressionnante et, surtout, il sait se placer, la qualité la plus importante pour un gardien. Memo a des réflexes spectaculaires, mais se mettre en évidence ne l’intéresse pas, l’efficacité est toujours sa priorité.

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