Lancé dans un cycle qui doit apporter de la rigueur et des automatismes dans un football passionné, le Standard a minutieusement balisé son trajet. Pourtant, le voyage reste long.
La huitième journée de championnat se termine par un sprint de Ricardo Sa Pinto. Nous sommes le 24 septembre 2017, et le coach portugais va rejoindre Paul-José Mpoku, en train de fêter son but libérateur face à Lokeren au pied de la T4 de Sclessin. Les Liégeois sortent la tête de l’eau après une longue série de cinq matches sans victoire. Et tant pis si, une semaine plus tard, ils sont battus en toute fin de match au stade Constant Vanden Stock. L’orage est passé.
Toute ressemblance avec des faits ayant déjà existé est-elle fortuite ? Un an après, Michel Preud’homme quitte son banc de touche avant le coup de sifflet final. Son Standard a été mis au tapis par les Mauves sur deux phases arrêtées. Contrairement à la saison précédente, pourtant, les rumeurs d’un changement de régime n’occupent pas les conversations liégeoises.
Parce que le coach est l’un de ses propres patrons, d’abord. Parce que sa mission vient à peine de commencer, ensuite. Elle n’est pas vouée à être un one-shot, comme cela a rapidement été le cas pour son excentrique prédécesseur. Enfin, parce que le bilan reste bien meilleur que douze mois plus tôt.
Si le 12 sur 24 a sorti les Rouches du top 6, il reste bien plus flatteur que la onzième place occupée après huit journées sous Sa Pinto, avec neuf points au compteur.
Il y a un an, Mpoku et ses coéquipiers semblaient naviguer dans le brouillard, sans vraiment trouver leur cap jusqu’à ce que le retour de Mehdi Carcela leur serve de boussole vers la course au titre. Aujourd’hui, le projet mené par Michel Preud’homme et Emilio Ferrera semble bien plus clair.
Le GPS est réglé au millimètre, mais le voyage risque tout de même d’être long. Le boss a d’ailleurs lui-même prévenu les suiveurs des Rouches, au bout du dernier match de préparation face à Tubize : » Une préparation n’est jamais finie. Pour faire ce qu’on veut faire, tout en essayant de gagner nos matches, elle va continuer encore longtemps. »
COMME DES MEXICAINS
Son nouveau Standard, Preud’homme l’esquisse un peu plus précisément en quelques mots, distillés après la défaite face à Bruges en Supercoupe : » Un jeu vers l’avant et au sol « . Finis, donc, les ballons balancés par Guillermo Ochoa vers le front de Renaud Emond ou d’Orlando Sa, constante des premiers mois de règne de Sa Pinto.
Le Mexicain, éduqué à la relance propre par son football national, propose désormais un jeu majoritairement court (60 % de passes courtes). Lors des premières semaines de la saison, c’est Uche Agbo qui décroche entre les deux défenseurs centraux, Konstantinos Laifis et Christian Luyindama, pour lancer les premiers pas d’une relance à trois popularisée au Mondial 2006 par le… Mexique de Ricardo La Volpe.
Les schémas du Standard, aléatoires douze mois plus tôt, sont désormais limpides. Décrochage du milieu défensif pour la relance, arrières latéraux très haut sur le terrain qui poussent les ailiers à l’intérieur du jeu, et tentative de combinaison axiale, grâce à un schéma précis qu’Emilio Ferrera a perfectionné au fil des années.
Leandro Trossard, qui a côtoyé Ferrera à OHL, évoque ces accents placés par son ancien T1 : » Il exerce beaucoup les automatismes entre les joueurs qui reculent et ceux qui vont en profondeur. »
Réalisés dans le timing adéquat, ces déplacements – les fameuses » lignes de course » dont on parle si souvent – désorientent l’adversaire. Un homme qui évolue dans son secteur décroche, et l’attire inévitablement dans son sillage. Pendant ce temps, un autre en profite pour appeler dans la zone libérée par ce décrochage, et faire un » pic en profondeur « .
Le but marqué par Moussa Djenepo lors du choc face à Anderlecht illustre parfaitement cet automatisme : Carcela décroche, attire la défense avec lui et permet à Djenepo de faire parler sa vitesse. En début de saison, en l’absence du Marocain, c’est Mpoku qui était généralement chargé du décrochage, laissant le jeune espoir Malien frapper en profondeur.
LE CHEMIN DU BALLON
» Ce n’est encore qu’une ébauche du Standard que je veux voir « , confesse Preud’homme après la victoire inaugurale en championnat face à Gand. Ce soir-là, les Rouches n’affichent que 43 % de possession de balle et frappent surtout en reconversion. Ils ne réussissent que 318 passes (sous la moyenne des derniers mois de Sa Pinto, qui tournait autour des 350 passes) et tirent seulement huit fois au but, leur total le plus faible des sept premières journées.
Le Standard se construit progressivement, en adaptation constante pour intégrer un Carcela qui bouleverse les plans du 4-3-3 initial. Avec le Marocain, les Liégeois semblent plus à l’aise en 4-2-3-1, et Agbo finit par quitter un milieu de terrain devenu plus dynamique et ambitieux, où s’intègre le véloce Gojko Cimirot aux côtés de Razvan Marin.
Le duo venu de l’Est prend rapidement la main : contre le Cercle, pour sa première titularisation de la saison, Cimirot réussit 81 passes, meilleur total rouche de la saison. Lors des quatre rencontres suivantes, c’est le Roumain qui se met en évidence, en étant toujours parmi les deux passeurs les plus impliqués des Liégeois. En quelques mois, Marin est passé de 33,3 à 48,7 passes effectuées en moyenne à chaque rencontre.
Les automatismes naissent pour amener le ballon jusqu’à la ligne médiane, et les chiffres augmentent. Avec une moyenne de 54,8 % de possession de balle après sept rencontres, les Rouches ont décidé de mettre le pied sur le ballon. Ils tournent à une moyenne de 384 passes par match, et tirent plus souvent que lors de la première moitié de l’année 2018 (14,6 tirs par rencontre, contre 13,3 avec Sa Pinto).
La réussite, par contre, est loin d’être identique. Portés par le surrégime de Renaud Emond et les exploits individuels d’Edmilson, les Liégeois avaient terminé la saison en mettant au fond des filets 41 % de leurs tirs cadrés. Cette année, la moyenne est retombée à 24 %, des chiffres beaucoup plus » normaux « .
VOYAGE INTÉRIEUR
La performance rouche à la finition peut être affinée grâce à l’analyse des expected goals, une statistique qui évalue entre 0 et 1 les chances de marquer sur un tir, en fonction d’un historique de tirs répertoriés. Par exemple, un tir depuis le petit rectangle aura plus de chances de finir au fond qu’une tête depuis l’entrée de la surface.
Cette saison, le Standard du duo Preud’homme-Ferrera pointait à 12,91 expected goals après sept journées, pour 10 buts marqués. La preuve que le football proposé est suffisant pour marquer plus de buts que les chiffres actuels.
Puisque, selon ses têtes pensantes, le Standard » fait à nouveau peur « , le jeu des Liégeois est analysé minutieusement par ses adversaires. Et est sans doute plus facilement analysable que la saison dernière, quand l’improvisation semblait parfois faire office de règle dans les offensives rouches.
Mais ce Standard porte désormais la griffe d’un duo de maniaques. » On essaie d’établir des règles défensives et de construction « , explique Preud’homme. » On n’a jamais pu dire que mes équipes n’étaient pas bien préparées ou organisées « , ajoute Emilio Ferrera.
Après son nul blanc arraché à Sclessin, l’entraîneur du Cercle Laurent Guyot confesse : » Honnêtement, j’admire la façon dont le Standard joue offensivement. J’ai d’ailleurs hésité à commencer le match avec cinq défenseurs. » Finalement, le Français avait conservé son losange, qui a privé les Rouches de solutions offensives (seulement un tir cadré).
Marc Brys a également accumulé les joueurs dans l’axe quand Saint-Trond s’est présenté à Sclessin, tout comme Felice Mazzù, dont les ailiers du 4-4-2 fermaient l’intérieur du jeu pour empêcher le Standard de combiner entre les lignes au coeur du terrain.
AILES COUPÉES
Adversaire victorieux voici quelques semaines, le capitaine d’Eupen Luis Garcia dresse le portrait de ce nouveau Standard qu’il a pu affronter : » C’est une équipe très dangereuse quand elle a la balle, difficile à contrer parce qu’elle met beaucoup de monde à l’intérieur du jeu tout en s’offrant beaucoup de largeur avec ses arrières latéraux. Ils sont très organisés offensivement. »
Généralement alignés sur les flancs défensifs, Collins Fai et Pedro Luis Cavanda sont chargés d’écarter au maximum. L’idée n’est pas seulement de recevoir le ballon, mais surtout d’inciter l’adversaire à élargir son bloc pour ouvrir de l’espace entre les lignes.
Là, les pieds précis de Laifis ou les percées pleines de personnalité de Luyindama doivent permettre de trouver rapidement Mpoku ou Carcela entre les lignes. Ainsi servis et grâce à leurs qualités techniques, les deux hommes peuvent tenter l’exploit technique ou s’appuyer sur Marin et Cimirot, chargés de donner le ballon tranchant dans l’espace libéré par leur milieu offensif, au profit d’une course de Djenepo ou d’Emond.
Le plan touche évidemment ses limites quand l’adversaire délaisse les couloirs et boucle le centre du terrain à double tour. Là, seul Carcela, grâce à sa technique hors-normes (12,3 dribbles réussis par match ! ), parvient encore à créer des différences. Il est d’ailleurs la cible privilégiée des passes de Marin et de Cavanda, deux des circuits de passes les plus récurrents du jeu liégeois.
Pour le reste, les flancs libérés doivent tenter de profiter de l’espace offert par l’embouteillage axial pour faire la différence. Et c’est là que les problèmes naissent. Que ce soit Cavanda (35 % de centres réussis), Sébastien Pocognoli (17%), Senna Miangue (33%) ou Fai (46%), aucun ne parvient à être un centreur assez fiable pour créer un danger constant dans la surface adverse.
Face à Charleroi, où la liberté accordée à Fai et Cavanda était assez flagrante, seuls onze des 25 centres tentés ont été repris par un rouche. Presque un chiffre flatteur, vu que la moyenne habituelle tourne à 35,7 % de centres réussis cette saison (26 tentatives par match, 9,3 réussites). En seconde période, contre les Zèbres, Carcela avait fui les bouchons axiaux pour s’offrir de la liberté et des dribbles sur le flanc, concluant la rencontre avec les chevilles endolories mais surtout cinq centres réussis en neuf tentatives. Si le front de Renaud Emond avait été au rendez-vous, la tactique aurait sans doute été payante.
LIMITES INDIVIDUELLES
Le Standard varie, étoffe son plan, et cherche encore la réussite au bout de ses automatismes. Le chemin est évidemment long, au bout d’années passées à miser sur les reconversions et les exploits individuels. Depuis le départ d’Edmilson, dont l’association avec Carcela permettait de gagner n’importe quelle rencontre, les victoires sont plus complexes. Certains joueurs affichent leurs limites, et ressemblent à des erreurs de casting dans le football prôné par le nouveau staff technique.
Est-il encore trop tôt pour rêver d’un Standard affûté ? » L’important n’est pas de faire un one-shot, mais de restabiliser le club au top « , avait expliqué Preud’homme dès son intronisation. La route empruntée par les Rouches est minutieusement tracée. Toujours pratique pour raccourcir le temps du trajet, mais jamais suffisant pour réduire le kilométrage à parcourir.
54,8%
La possession moyenne du Standard cette saison.
384
Les passes effectuées, en moyenne, par les Rouches en une rencontre.
9,8%
Le pourcentage de tirs liégeois qui finissent au fond des filets.
12,3
Le nombre de dribbles réussis à chaque match par Mehdi Carcela.
35,7%
La moyenne de centres réussis par le Standard.
La route du jeu ou la voix sans issue.
Je cite:
« Les schémas du Standard, aléatoires douze mois plus tôt, sont désormais limpides. Décrochage du milieu défensif pour la relance, arrières latéraux très haut sur le terrain qui poussent les ailiers à l’intérieur du jeu, et tentative de combinaison axiale, grâce à un schéma précis qu’Emilio Ferrera a perfectionné au fil des années. »
Ce que je pensais etre une erreur, toujours passer par le centre, pas d’ailiers sur leurs bons pieds pour centrer, les centres devant venir des backs qui ne le font pas convenablement
est en fait la tactique de Ferrera.
Encore illustrée ce soir
Exact VanMoer. Le « génie » d’Emilio Ferrera va totalement à l’encontre des idées du regretté Dominique Donofrio. Lui ne jurait que par la verticalité, à raison je trouve, et quand je vois les transmissions axiales interceptées par l’ennemi lors du dernier classico, ça fait peur ……
Il n’y a pas que la verticalité, cher Gerouche, mais encore et surtout l’absence de jeu par les ailes, encore abandonnées hier soir.
par contre les goals qu’on reçoit que ce soit de Seville, Ajax ou le modeste Knokke viennent par des centres qui désarconnent notre defense.
Alors moi je ne suis rien par rapport à Ferrera et MPH qui l’a choisi, mais les autres entraîneurs ont-ils tout faux.;?