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Sclessin a perdu le nord

Il n’y a pas un seul joueur flamand dans le noyau du standard. Une primeur depuis 61 ans. Simple hasard ou effets d’une politique réfléchie ?

Bruges, 27 août 2017. Le Standard s’écrase (4-0). Le seul match de la saison où on verra BenitoRaman en Rouche. Sa présence sur le terrain est inattendue. Trois fois, lors des quatre premières journées de championnat, il n’a même pas été repris. La quatrième fois, il n’a pas quitté le banc. Une suite logique d’une préparation où il a eu un temps de jeu XXS. Mais c’est quand même lui que Ricardo Sa Pinto a choisi pour remplacer Orlando Sá, blessé, à Bruges. Il joue 75 minutes. Les dernières avant ses adieux à Liège.

Düsseldorf, 2 octobre 2017. Le Fortuna bat Duisburg (3-1). Raman marque un but et est impliqué dans les deux autres. Son équipe reste en tête de la D2.  » J’étais au match « , nous raconte son agent, Guy Vandersmissen.  » Il y avait 41.000 personnes et une très grosse ambiance. Düsseldorf va recevoir le Borussia Mönchengladbach en Coupe d’Allemagne, à la fin de ce mois. Les 54.000 places de son stade sont déjà vendues.  »

Le farfadet ne regrette clairement pas d’avoir changé d’air dans les dernières heures du mois d’août.  » Il fallait que je fasse ce transfert pour relancer ma carrière. Je ne pouvais pas me permettre de revivre ce que j’ai vécu la saison dernière. Parce que je risquais alors de devoir redescendre en D2 ou même en D3.  »

En attendant, Benito Raman a fait prendre un virage historique au Standard. Suite à son départ (prêt avec option d’achat), le club n’a plus un seul joueur flamand dans son noyau. Cela n’était plus arrivé depuis la saison… 1956-1957. Depuis 61 ans. Le Standard a toujours eu une coloration flamande plus ou moins marquée. On estime aujourd’hui qu’un supporter sur trois vit au nord de la frontière linguistique. Il n’y a pas si longtemps, on avait encore là-bas des Flamands à des postes clés : RolandDuchâtelet était président, Bob Claes était directeur, Jelle Van Damme était capitaine. Alors, pourquoi ce virage ?

Le développement de l’académie de Genk a changé la donne

 » Il ne faut sûrement pas y voir un racisme anti-flamand « , lance Eric Van Meir, Anversois qui a joué au Standard de 2001 à 2003.  » C’est plus l’effet du hasard s’il n’y a plus un seul joueur flamand dans le noyau aujourd’hui.  » Autre ancien joueur flamand de la maison, Guy Vandersmissen met le doigt sur l’aspect limbourgeois du problème. Le Standard a longtemps cartonné avec des Limbourgeois dans l’équipe. Dans le onze type du premier siècle du club, publié en 1998 dans l’ouvrage Standard – 100 ans de passion, on trouvait deux joueurs limbourgeois : Nico Dewalque et Eric Gerets. Et on n’a pas compté les grands noms originaires de cette province qui ont fait chavirer Sclessin : Guy Vandersmissen, Gérard Plessers, Willy Geurts, Theo Poel, Jos Daerden, Nico Claesen, Dimitri de Condé, Stijn Haeldermans, …

 » Mais pendant longtemps, il n’y avait pas beaucoup de concurrence régionale pour le Standard quand il était question de proposer un contrat à un Limbourgeois « , explique Vandersmissen.  » Il y avait Waterschei et Winterslag, deux clubs qui ne faisaient pas le poids. Ce qui change la donne entre-temps, c’est Genk. Là-bas, il y a une équipe Première qui tient la route mais aussi une académie qui s’est fortement développée. Et ça, c’est assez récent. L’académie du Standard ne gagne plus d’avance quand un jeune reçoit une proposition des deux clubs. J’ai quelques jeunes au Standard et la direction me demande parfois si je ne peux pas leur en amener d’autres, mais je constate que Genk est une grosse concurrence. Et puis, on doit maintenant tenir compte du phénomène La Gantoise. Ce club a choisi d’investir dans la formation une partie des revenus de la Ligue des Champions, on sait qu’il a maintenant une politique agressive avec les jeunes. C’est difficile de rivaliser pour attirer un gars prometteur quand il y a une concurrence financière pareille.  »

Les Belges sur-screenés par rapport aux étrangers ?

Jelle Van Damme, sans doute le dernier Flamand marquant du Standard.

Jelle Van Damme, sans doute le dernier Flamand marquant du Standard. © BELGA

Parfois, aussi, quand un transfert flamand ne se fait pas vers Sclessin, ça s’explique par des décisions prises par la direction. Vandersmissen a deux exemples dans son écurie.  » Quand Simon Mignolet a commencé à jouer en équipe Première de Saint-Trond, je l’ai proposé au Standard mais ils n’en ont pas voulu.  » Et puis, beaucoup plus récemment, il y a eu le cas de Stef Peeters, qui a cassé la baraque avec Saint-Trond la saison dernière.  » J’ai parlé de lui au Standard « , poursuit Vandersmissen.  » Ils m’ont répondu qu’ils avaient suffisamment de médians. C’est vrai qu’ils avaient encore Matthieu Dossevi et Ishak Belfodil à ce moment-là. Bref, Peeters est parti à Caen. Ostende était aussi intéressé mais sa direction partait du principe que Roland Duchâtelet allait sûrement demander beaucoup trop d’argent. C’est comme ça que des transferts peuvent échouer.  »

Si Zinho Vanheusden n’avait pas choisi de partir très tôt à Milan, il serait probablement dans le noyau pro du Standard aujourd’hui, ça ferait un gars de la partie néerlandophone du pays. On peut aussi citer Jordi Vanlerberghe, qui était à Malines, plaisait à la direction liégeoise mais a choisi, cet été, de signer à Bruges.

Guy Vandersmissen voit un autre frein dans l’éclosion de joueurs locaux en championnat de Belgique.  » Quand un club s’intéresse à un joueur belge, il sait directement tout sur lui. Il connaît vite ses qualités, ses défauts, sa fragilité physique éventuelle, son historique de blessures, sa mentalité. Par contre, j’ai l’impression qu’à partir du moment où on s’intéresse à un étranger, on ne voit plus que ses qualités.  »

Raman avait pourtant le style de la maison

Retour au cas Benito Raman. Olivier Renard croyait en lui. Quand il bossait encore à Malines, il avait essayé de l’attirer là-bas mais Gand avait préféré prêter l’attaquant à Saint-Trond. Il a finalement été transféré au Standard durant l’été 2016 pour environ 700.000 euros et Renard nous disait, il y a juste un an, qu’un Raman marquant une quinzaine de buts sur la saison multiplierait vite sa valeur. Pour lui, c’était un investissement intelligent, sans grands risques.

Il expliquait aussi que ce joueur, contrairement à IvanSantini, avait le style de la maison. Mais il a suffi que Ricardo Sa Pinto ait un avis sportif différent pour que le Standard se retrouve subitement sans un seul joueur flamand – il y en avait un autre la saison dernière, le gardien Senne Vits, mais il se retrouve aujourd’hui à Hasselt après un prêt manqué, de janvier à mai 2017, à Maastricht.

 » Le Standard ne m’a pas chassé « , dit Raman.  » Mais j’ai vite compris les intentions du nouvel entraîneur.  » Le Standard a joué un match amical à Hoffenheim, début juillet. Raman est monté au jeu à la 46e minute et a été remplacé 25 minutes plus tard.  » Là, j’ai vu clair. J’en ai discuté avec Olivier Renard et il m’a dit qu’il allait réfléchir à une solution. Puis, à deux semaines de la fin du mercato, on m’a dit que je ne pouvais plus m’en aller. Tout s’est finalement arrangé le dernier jour, ils ont accepté le prêt à Düsseldorf.  »

Les Allemands ont fait inclure une option d’achat, ce qui revient à dire que le Standard n’est plus maître du jeu dans le dossier de ce joueur. S’il explose cette saison, on ne le reverra sans doute plus à Sclessin.

Avoir des joueurs flamands : important pour les supporters ?

 » Il y a souvent eu des liens forts entre les supporters du Standard et les joueurs flamands « , lance Eric Van Meir.  » Rien que pour ça, c’est intéressant d’en avoir l’un ou l’autre dans le noyau. Pour une question d’identification. Les supporters de clubs wallons aiment beaucoup les Flamands qui donnent tout sur le terrain. J’ai connu ça à Charleroi, où j’ai eu cinq années de gloire. Ça a été un peu plus difficile au Standard, surtout pendant ma deuxième saison, parce que je n’ai pas beaucoup joué à cause de blessures. Je garderai toujours le regret de ne pas avoir pu leur rendre, cette année-là, l’amour qu’ils me donnaient.

Et puis, si on regarde l’historique, on constate que ce club a régulièrement profité des qualités humaines de ses joueurs flamands. On est généralement assez calmes, on sait tempérer l’ambiance quand c’est nécessaire. J’avais déjà constaté le même phénomène à Charleroi. Les joueurs francophones étaient assez chauds, les Flamands calmaient le jeu. J’ai retrouvé cette situation au Standard. C’était un vestiaire très latin au niveau de la mentalité, il y avait quelques excités. Régis Genaux et MichaëlGoossens étaient des enfants terribles. Il y avait aussi Vedran Runje et Ivica Dragutinovic. Bref, ça chauffait à certains moments. J’arrivais à faire le tampon avec un autre joueur flamand, Harold Meyssen. Maintenant, il peut y avoir des exceptions. Ce n’est pas parce que tu es wallon que tu es excité, ce n’est pas parce que tu es flamand que tu es calme ! De mon temps, Johan Walem était une de ces exceptions. Et Benito Raman en est une aussi : ce n’est quand même pas le footballeur le plus rangé et silencieux qu’on puisse imaginer.  »

Les 10 meilleurs Flamands de l’histoire du Standard

Eric Gerets dans les tribunes de Sclessin.

Eric Gerets dans les tribunes de Sclessin. © BELGA

1. Eric Gerets (1972-1983)

2. Wilfried Van Moer (1968-1976)

3. Guy Vandersmissen (1978-1991)

4. Nico Dewalque (1963-1976)

5. Walter Meeuws (1981-1984)

6. Jef Vliers (1959-1966 comme joueur, 1988 comme entraîneur)

7. Jos Daerden (1980-1984 comme joueur, 1996-1997 comme entraîneur)

8. Gérard Plessers (1975-1984)

9. Jelle Van Damme (2011-2016)

10. Eddy Voordeckers (1979-1982)

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4 thoughts on “Sclessin a perdu le nord

  1. Bien joli tout ça, et ça me fait rire ou du moins sourire, c’est selon. On cherche à savoir pourquoi le Standard n’aligne plus actuellement de joueurs flamands, mais on ne se soucie même pas de savoir combien il y a de joueurs Belges dans l’effectif ! On les compte sur les doigts d’une seule main, sans parler du 11 de base.

  2. Flamand ou wallon, je m’en fous royalement…..mais à partir du moment où on va chercher des gars à l’étranger pour des sommes, ma foi, exorbitantes, eu égard à leur rendement, je pense que l’on ferait mieux d’acheter du ……..belge. Encore mieux, faisons confiance aux jeunes formés au club !!!

  3. Maintenant on ne peut même plus garder un jeune qui n’a pas joué une minute en equipe A (ex Van Heusden, flamand justement) ni même un jeune qui n’est pas encore dans les espoirs (Guarnieri le jeune keeper qui n’a pas encore 16 ans) . C’est plus compliqué de gérer un club de foot maintenant que l’argent est roi. A se demander si cela sert encore de former les jeunes au profit des « grands » clubs

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