Le décès d’une mère, le renvoi d’Anderlecht, l’impasse à Tubize, l’histoire du néo-Standardman Selim Amallah est semée d’embûches. » Quand ma mère est décédée, ce n’était plus un objectif mais une obligation de réussir dans le foot. »
« Malheureusement, on est en Belgique, on n’achète pas des joueurs faits. On doit acheter des jeunes joueurs avec un avenir prometteur. Qu’on doit intégrer dans l’équipe et former. » Dimanche soir, Michel Preud’homme, le ton quelque peu fataliste, évoque le mercato à venir.
Selim Amallah est de ceux-là. Un jeune joueur belgo-marocain dont l’annonce de la venue à Sclessin pour quatre ans a officiellement lancé le mercato entrant du Standard. Si son nom n’a encore rien de ronflant, le numéro 10 mouscronnois avait déposé sa jolie carte de visite le soir du 1er mars dernier à Sclessin : à la sortie d’une roulette, Amallah avait distillé un caviar pour Taiwo Awoniyi qui avait converti l’offrande.
L’enfant d’Hautrage, en périphérie montoise, n’a pas attendu ce déplacement au Standard pour faire parler de lui. Depuis un an, les décideurs de Sclessin avaient inscrit son nom dans leur calepin. Et ils n’étaient pas les seuls sur le coup puisque Lens (Ligue 2) le suivait également depuis de longs mois avant que Reims (Ligue 1) ne vienne aux nouvelles.
Même Ferencvaros (Hongrie) avait envoyé à deux reprises un scout au Canonnier, et était prêt à lui offrir un contrat important.
L’impasse il y a deux ans
Il y a deux ans pourtant, Selim Amallah bataille du côté de Tubize, en D1B, où il est très loin d’être un titulaire indiscutable. À l’été 2017, le milieu de terrain est même dans une impasse.
» Selim m’a passé un coup de téléphone, il espérait que Mouscron lui accorde une nouvelle chance « , raconte Laurent Demol, alors coach-adjoint à l’Excel et intermédiaire entre le noyau pro et les jeunes. Douze mois plus tôt, Amallah apprend que Mouscron n’est pas prêt à lui offrir de contrat pro, et file vers le club brabançon.
Autant dire que l’Excel n’accueille pas ce retour les bras grands ouverts, à l’inverse de Laurent Demol, son premier supporter et son coach, déjà, chez les Espoirs de Mons, avant que la faillite du club ne les conduise tous deux vers le club frontalier.
» L’été 2017, il a passé 15 jours en test. C’était en plein ramadan, et Selim n’était pas au mieux de sa forme « , se rappelle Demol. Le coach de l’équipe première, Mircea Rednic, ne le connaît ni d’Eve ni d’Adam mais décèle le talent du bonhomme lors d’une rencontre amicale face à Auxerre et l’intègre au groupe pro.
Lors de la saison, 2017-2018, Amallah inscrit 5 buts et donne 3 assists en saison régulière. L’histoire est en marche. Une histoire qu’il faut rembobiner pour comprendre que Sclessin n’est qu’une étape d’une trajectoire trop souvent douloureuse.
Rupture d’anévrisme
Petit-fils de mineur, Selim est coaché par son paternel, Houcine, jusqu’en U11 à Mons. Un paternel, qui a tâté du cuir jusqu’en P2, et qui se montre plutôt sévère avec un fils très vite habile devant le but. Lors d’une rencontre à Neerpede face aux U11 d’Anderlecht, il en passe 5 et intègre le centre de formation des Mauves en U12 où évolue Charly Musonda Jr ou Andy Kawaya.
Septembre 2011, alors qu’il n’a pas encore 14 ans, sa vie bascule en même temps que celle de toute une famille. » On marchait et, d’un coup, elle est tombée. » Une rupture d’anévrisme frappe sa maman, Antoinette.
» Pourtant, au matin, elle était bien. Elle s’était levée, elle avait mis des tartines à griller et elle est partie dans la salle de bain. Elle est revenue, les tartines avaient brûlé. On a commencé à rigoler… Tout allait bien. C’était son jour, comme on dit chez nous. »
Le mektoub. Antoinette décède dans la nuit du 2 au 3 septembre 2011. » Le décès de ma maman, ça fait partie de mon histoire. Et quand tu vis cela, tu apprends à grandir avec, forcément. J’ai dû apprendre seul certaines choses et je crois que je peux dire que ça m’a aidé à me construire. »
Dans un premier temps, le jeune Selim fait connaissance avec l’absence de compassion du monde du foot, ou plutôt des décideurs d’Anderlecht chez les jeunes, qui lui envoient une lettre au bout de la saison. » Elle disait que je pouvais me trouver un autre club. La direction connaissait notre situation, mais elle n’a rien voulu savoir. »
Du côté des études, aussi ça coince. » Il a doublé, puis redoublé… Je lui disais d’étudier, mais des fois, ça l’énervait. Qu’est-ce que tu veux que j’étudie ? À chaque fois que j’ouvre un cahier, je vois maman par terre ! Qu’est-ce que je pouvais lui dire ? « , raconte son père, Houcine.
Mais Selim se relève. Dans un premier temps, à Mons avant de partir pour Mouscron, puis Tubize, et à nouveau Mouscron.
L’ADN Standard
» Quand ma mère est décédée, ce n’était plus un objectif mais une obligation de réussir dans le foot « , confie-t-il, lui qui porte fièrement le numéro 21, en hommage à la date de naissance de sa mère, jusqu’à cette saison où le numéro 10 lui est offert.
L’arrivée de Bernd Storck, accompagnée de rigueur tactique et de discipline, est bénéfique pour tout un groupe qui éblouit notre compétition en 2019.
» Il y a des joueurs qui ont un plus gros caractère que d’autres, et qui ont besoin d’être cadrés par un coach « , concède Amallah. » Mais moi, honnêtement, je ne pense pas que ça soit mon cas. J’ai toujours été un bon petit soldat habitué à marcher droit ( rires). »
Son transfert au Standard n’est qu’une suite logique, après deux saisons à un haut niveau, qui ont tapé dans l’oeil de l’encadrement de la sélection marocaine. Mogi Bayat, qui a comme partenaire Antony Feuillade (l’agent du joueur depuis toujours), a fait le reste.
» Techniquement, il est très doué mais il va encore se fortifier dans ce grand club, entouré de gens compétents « , poursuit Demol. » Il doit encore prendre de la masse pour passer un pallier. Mais il a la culture de la gagne en lui, il a cette faculté à se surpasser et cette grinta. En fait, il a l’ADN du Standard sans y avoir joué par le passé. J’ai toujours cru en lui, même quand c’était plus dur pour lui. »
La destinée est aujourd’hui heureuse. » Je suis de confession musulmane et je crois vraiment que tout est déjà écrit. » Le prochain chapitre s’ouvre dès cet été du côté de Sclessin.
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