Arrivé le dernier jour du mercato estival, Orlando Sa (1 cap avec la Selecçao) perpétue la tradition portugaise à Sclessin qui a vu défiler de nombreux (ex-)internationaux lusitaniens comme Folha, Sergio Conceiçao, Jorge Costa ou encore Sa Pinto. Malgré son statut de buteur, il joue la carte du collectif pour rattraper le temps perdu en championnat de Belgique… et dans sa carrière.
À 28 ans, le Standard est déjàvotre 10e club. Comment expliquez-vous ces nombreux changements ?
En règle générale, vous changez de club dans l’espoir de faire un pas en avant, il n’y a rien de mal à cela. Tout joueur pense toujours qu’il n’y a qu’un seul chemin qui mène au succès. Parfois, entre l’idéal de perfection et la réalité d’une carrière, il y a de la marge pour différentes raisons. Mon parcours montre simplement que j’ai déjà pas mal d’expérience à mon âge avec tous ces clubs dans différents championnats.
Au Standard, vous avez signé pour 3 ans, vous étiez à la recherche de plus de stabilité ?
Depuis le début de ma carrière, j’ai appris qu’on ne peut prévoir l’avenir. Tu dois d’abord travailler chaque jour pour devenir meilleur, pour aider l’équipe. Après, tu peux voir ce que l’avenir te réserve. C’est encore beaucoup trop tôt pour parler de la suite. Quand un joueur preste, il veut toujours plus. Je n’ai qu’une seule chose en tête : à 100 %, je suis au Standard.
Si vous aviez l’occasion de recommencer votre carrière, feriez-vous les mêmes choix ?
Je vais être honnête avec vous : je ne suivrais plus le même chemin et je ne m’entourerais pas des mêmes gens. J’ai commis quelques erreurs dans ma carrière. La vie d’un joueur n’est pas toujours simple, vous n’êtes pas toujours le seul pour décider. Beaucoup de choses entrent en ligne de compte, tu es parfois mis sous pression de plusieurs côtés. Parfois, tu te retrouves coincé. Avec l’âge, tu te rends parfois compte que de meilleures options étaient présentes, à condition d’être patient. Je ne rejette pas la faute sur les autres, je sais aussi que je n’ai pas toujours été le meilleur professionnel. J’en ai tiré les leçons et le moment est venu d’aider les jeunes comme Raman, Edmilson, Badibanga et d’autres, pour leur éviter de faire les mêmes erreurs. Quand tu es jeune et que tu as de l’argent, ce n’est pas toujours aisé à comprendre… Dans une carrière cela peut aller vite. Au début, tout semblait me sourire. J’avais un nom, je jouais dans de bons clubs comme Porto, j’avais Jorge Mendes comme agent, j’étais en équipe du Portugal. J’avais de l’argent mais je n’étais pas un vrai pro, je ne me protégeais pas de gens qui me promettaient monts et merveilles, qui ne m’emmenaient pas là où il fallait. Un an après Fulham, je me suis retrouvé à Chypre ! Vous croyez que je rêvais de ce championnat ou de celui de Pologne avec le Legia Varsovie ? Mais voilà, je me suis battu pour prouver que je méritais bien mieux en étant élu meilleur joueur et meilleur buteur avec Limassol et Le Legia. Je me suis repris en mains.
C’est difficile pour un attaquant portugais d’être prophète dans son pays ?
Regardez, Porto a acheté Depoitre… qui a le même âge que moi ! Je sais qu’il reste sur de bonnes saisons en Belgique. Pour ce type de joueur, c’est plus facile d’être recruté par les grands clubs portugais que de choisir des jeunes… même si André Silva joue pour l’instant. Un Portugais doit s’exiler pour prouver sa valeur. Les joueurs locaux ont moins de crédit que les joueurs étrangers, c’est comme ça.
Chez les jeunes, vous figuriez parmi les meilleurs Portugais.
J’ai joué beaucoup de matches, j’ai marqué des buts, j’étais un des capitaines de ma génération. J’étais même appelé dans la catégorie supérieure. Les gens de ma génération sont Rui Patricio, Fabio Coentrao (il a mon âge), Luis Neto (Zenit), Adrien Silva (Sporting), Vierinha (Wolfsburg) et… Eder (Lille). Ces dernières années, le poste d’attaquant a été occupé par Cristiano Ronaldo, le jeune de Porto André Silva et donc Eder.
En évoluant dans un meilleur club, auriez-vous pu être à la place d’Eder ?
Je pense toujours à l’équipe nationale mais je suis le premier à reconnaître que je restais sur une saison irrégulière. J’ai presque tout joué à Reading, j’ai marqué 6 buts, j’ai été présélectionné deux fois… Mais la sélection définitive n’est jamais venue. J’ai eu ensuite quelques problèmes et j’ai déménagé à Maccabi. À mes yeux, je ne méritais pas d’être appelé sur la base de la saison passée. Par contre, si vous évoquez le niveau que j’avais au Legia, là je méritais plus qu’une simple présélection. J’ai toujours cette ambition : au Portugal, tout le monde sait que j’existe toujours mais je dois d’abord faire une bonne saison. Je reste toujours disponible si le coach estime que je mérite d’être appelé. Sinon, je resterai le premier supporter. Je ne suis pas ce genre de joueur qui épanche sa déception. En tant que Portugais, ce titre européen est inoubliable. L’équipe a été soudée par toutes les critiques émises sur son jeu. Là était le secret du succès. Le but d’Eder était son premier but officiel, sans doute le but le plus important de l’histoire de l’équipe nationale. Imaginez l’impact de ce but chez nous ou même ailleurs en Europe ou dans le monde. Ce titre européen : pensez à tous ces grands noms qui n’avaient jamais rien gagné.
Vous êtes arrivés dans les derniers instants du mercato, dans quel état d’esprit étiez-vous alors ?
Quand j’ai signé au Maccabi (qui m’a acheté pour un million à Reading) lors du dernier mercato hivernal, j’avais dû me décider très rapidement. J’avais parlé avec Jordi Cruijff qui me voulait depuis longtemps et Peter Bosz (NDLR : le coach actuel de l’Ajax), ils ont insisté pour me faire venir pour aider l’équipe. Je ne vais pas mentir : financièrement, c’était intéressant mais ce n’était pas le championnat que j’ambitionnais. J’ai dit OK jusqu’en fin de saison mais le club devait me laisser partir si une offre intéressante arrivait. Je ne me voyais pas rester en Israël. Le club l’a bien compris. L’été dernier, j’ai contribué à qualifier le Maccabi en Europa League. Dans les derniers jours, plusieurs clubs dont le Standard se sont manifestés. Dans un premier temps, Maccabi demandait trop d’argent puis un accord a été trouvé : lors d’un prochain transfert, Maccabi va conserver un pourcentage de la somme. Je n’étais pas inquiet. Toutes les options étaient claires, j’attendais la meilleure pour effectuer un choix avec ma famille. Je n‘avais rien à perdre en attendant jusqu’au bout. Venir au Standard était la meilleure décision. Je veux renouer avec mon meilleur niveau comme le Standard veut renouer avec les succès du passé. Je venais au Standard en ne pensant qu’au football. J’aurais pu opter pour un meilleur contrat ailleurs, une vie plus aisée, avec moins de responsabilités et de pression. Ici, je veux relever un challenge Si je joue bien, je sais que je ne suis pas perdu de vue.
Pourtant, vous aviez conscience que vous n’aviez pas fait le choix de la facilité.
Je m’étais renseigné : je voyais bien ce large noyau avec plus de 30 joueurs. J’avais constaté les nombreux changements de joueurs ces derniers temps. Je me suis dit que, si je voulais être important pour cette équipe, si je voulais ramener le Standard plus haut dans la hiérarchie pourl’aider à lutter pour le titre et rendre heureux les fans, j’allais devoir travailler dur chaque jour. Je n’allais pas me permettre de rater un entraînement, d’arriver en retard… comme je l’ai fait dans le passé. Être encore plus performant en dehors du terrain pour être bon sur la pelouse. Je l’ai appris tout au long de ma carrière : être bon en match ne suffit pas.
Êtes-vous surpris par la rapidité avec laquelle vous êtes entré dans l’équipe ?
Euh, cela dépend de la façon de voir les choses. C’était compliqué parce que je ne suis pas arrivé dans ma meilleure forme. J‘ai d’abord perdu quelques kilos, je me suis d’abord concentré sur ma remise à niveau et j’ai patienté sur le banc. Observer le style de jeu m’a bien aidé. Certes, j’ai marqué dès ma première entrée au jeu contre Genk mais je suis quand même resté sur le banc par la suite. J’ai gardé mon calme en attendant de recevoir ma chance.
Elle est venue contre Geel en Coupe. Ce n’est pas votre meilleur souvenir…
Ce match a été très décevant. Durant cette rencontre, je ne me sentais pas aussi bien que maintenant. Mon premier match dans le onze de base était mauvais, je me suis dit que je devais encore travailler plus dur pour changer l’image que j’avais laissée Mais dieu que ce match était difficile… Je ne vous cache pas qu’il s’agit d’un des plus étranges qu’il m’ait été amené de disputer. Quand tu joues 90 minutes contre une équipe de D3, que tu es un attaquant et que tu ne marques pas un seul but, tu te poses des questions… Tu essayes de trouver des raisons pour expliquer ce couac et… tu ne les trouves pas. J’avoue que j’en ai mal dormi les jours qui ont suivi.
Votre percée s’est opérée à Courtrai. Personne n’a oublié ce but fêté avec un selfie. Vous qui prêchez la collectivité, vous pouvez comprendre les critiques qui y ont vu un geste d’égoïsme ?
Ce que j’ai fait ce soir-là, c’était exceptionnel. Normalement, je célèbre toujours les buts avec les équipiers. Sans leurs bons ballons, je ne peux pas marquer. Mais ce soir-là, ma famille et mes amis étaient là et je leur avais promis quelque chose de particulier pour les remercier d’avoir fait un si long voyage. Ce selfie était pour eux, pas pour ma petite personne. Je suis un mec qui pense d’abord collectif. Si l’équipe peut gagner ses matches, prendre des titres, je m’en fous de ne pas marquer. Je ne suis pas égoïste : j’ai dit après le match que c’était la première fois… et la dernière !
Le Standard n’est pas le premier club avec lequel vous êtes prolifique dès les premiers matches.
À Reading, à Limassol, au Legia et maintenant au Standard : c’est une marque de fabrique ? Pas spécialement, c’est le foot qui veut cela. Parfois, vous marquez beaucoup lors de vos premiers matches puis vous restez muet très longtemps. Il n’y a pas de raisons. Mais je vise la régularité, je veux corriger l’image que j’ai donnée par le passé. Je veux être performant durant toute la saison et pas marquer par à-coups. Je veux aider l’équipe à enchaîner les victoires.
Après Teodorczyk, vous êtes l’attaquant qui a la meilleure moyenne : vous êtes surpris ?
Je sais que mes statistiques sont bonnes. Le plus important est ce que je ressens sur le terrain. Je peux parfois ne pas marquer mais je suis utile à l’équipe par mon travail en pointe. Ça, c’est le plus important. Je ne suis pas le genre d’attaquant qui se sent comme de la m… quand il ne marque pas. Moi, je peux vivre sans les buts ou un titre de meilleur buteur. Je suis un joueur collectif. La meilleure preuve a été apportée par notre victoire contre Waasland- Beveren. J’avais marqué 2 buts et je sortais d’un mois où j’avais joué tous les matches. Je me sentais vraiment fatigué, mes muscles étaient un peu raides. J’en ai parlé avec le coach à la mi-temps et c’était préférable de rester au vestiaire. Si j’avais seulement pensé à moi et aux statistiques, je serais resté sur le terrain parce que je savais que nous pouvions encore marquer beaucoup de buts ce soir-là…
Vous vous décrivez comme un numéro 9 atypique.
J’aime jouer avec la passion, j’ai besoin de sentir l’atmosphère d’un stade, je joue agressif. Je cherche les opportunités, je crée les espaces, je n’attends pas dans le rectangle que les ballons arrivent. Je me bats pour offrir des occasions à mes équipiers comme Edmilson, Belfodil, Raman… Je ne suis pas un Jardel qui, à Porto, était seulement capable de jouer dans le rectangle. Je n’ai pas non plus le profil de l’attaquant grand et fort.
Pourquoi portez-vous le numéro 70 ?
À Fulham, j’avais le 9. À Limassol et à Reading, je portais le 10 parce que je jouais comme un deuxième attaquant. J’ai repris le 70 que j’avais au Legia pour me porter chance.
Quels sont les matches au cours desquels on a selon vous vu le meilleur Orlando Sa ?
Contre Waasland-Beveren, j’ai mis 4 buts mais 2 ont été annulés. Si je regarde nos prestations d’ensemble je pense aux matches au Panathinaikos (pas de but mais un assist) et au Celta. Nous y avons fait preuve d’une grande mentalité et d’une envie de nous battre. Si on reproduit ce type de prestation, on peut aller jusqu’au bout pour rendre nos supporters heureux. Ces matches me satisfont même plus que ceux au cours desquels j’ai marqué.
Vous avez travaillé avec beaucoup de coaches. À qui pourriez-vous comparer Aleksandar Jankovic ?
Il est exigeant. Des fois, il me rappelle Jorge Jesus avec qui j’ai travaillé à Braga. Ils apprécient le même style tactique, qui me convient bien. Ils demandent énormément de leurs joueurs. Ils ne regardent pas les visages ou les noms mais juste ceux qui se donnent tous les jours pour être dans l’équipe et ça, c’est important pour un vestiaire. C’est grâce à Jorge Jesus que j’ai été appelé en équipe nationale, il m’a fait connaître l’Europa League avec Braga. C’est un grand coach et une grande personnalité du football portugais. Parlez-en aux Portugais et vous comprendrez ce que je veux dire. Qui aurait pu dire à l’époque que j’allais jouer au Standard ? Je ne m’y attendais pas. Dans une carrière, tu prends l’ascenseur ou tu prends parfois des chemins détournés. Ces matches en UEFA avec Braga étaient ma première rencontre avec le public du Standard. Je n’ai pas oublié ces moments-là et les fans font partie des souvenirs que j’ai gardés de 2009. Tout le monde doit respecter nos fans pour leur passion et leur soutien pour nous aider à gagner chaque match. J’apprécie cette atmosphère et mon jeu se bonifie dans ce contexte.
Vous allez être servi ce dimanche à Charleroi…
J’ai cru le comprendre en lisant des trucs ces jours-ci en compagnie des équipiers. J’ai compris que c’était comme un derby. C’est un élément qui doit nous donner de la motivation de nous battre jusqu’au bout. Et nous amener près du top 6 : si on veut avoir une chance de gagner un titre, on doit montrer dans ce genre de match qu’on les qualités. On doit gagner les matches difficiles. On ne peut pas se contenter de gagner à la maison ou contre les petits.-
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