Aucun point attribué, une amende maximale de 5.000 euros, en plus des 25.000 versés à la Pro League et un match à bureaux fermés pour le Standard : c’est ce que propose le Parquet fédéral.
Convoqués hier en début d’aprèsmidiau siège de la fédération belge de football, les clubs de Charleroi et du Standard ont, chacun, défendu leur position par rapport aux événements qui avaient émaillé le choc wallon du 4 décembre dernier et précipité son interruption définitive. Après près de deux heures de plaidoirie, la Commission des Litiges, l’affaire a été mise en délibéré, avec réouverture possible des débats d’ici au mardi 20 décembre, jour où la décision tombera. Les deux clubs seront alors avertis par mail du sort qui leur aura été réservé. En préambule à son réquisitoire, le procureur fédéral a détaillé, chiffres des amendes financières à l’appui, les antécédents des deux clubs wallons au cours des trois dernières saisons, pour bien montrer, selon lui, « la malheureuse évolution du comportement des supporters au sein de ces deux clubs récidivistes ». Il s’est ensuite appuyé sur l’article 1917 du règlement fédéral relatif aux sanctions à l’égard des clubs, qui prévoit la non-attribution des points « si les incidents sont provoqués par aussi bien les supporters de l’équipe visitée que par ceux de l’équipe visiteuse ». Dans la foulée, le parquet fédéral a requis contre les deux clubs l’amende maximale prévue par l’article 1916, à savoir 5.000 euros (et 250 euros supplémentaires pour le Sporting pour cause de sursis qui tombe), en plus des 25.000 déjà versés à la Pro League. Et ce n’est pas tout : si le procureur fédéral a décidé d’en rester là vis-àvis du club carolorégien, il a demandé, « sur base d’antécédents beaucoup plus importants », que le Standard soit sanctionné d’un match à huis clos, et donc de… deux puisque le sursis qui pendait au nez du club liégeois deviendrait dans ce cas-là effectif. « Cela fait deux ans que le Standard insiste sur le fait que les incidents sont causés par une minorité, mais personne n’a le courage de l’affronter…»
D’un point de vue liégeois – Me Ernès : « Un score de forfait pour Charleroi »
Ce sont Me Grégory Ernès et PierreLocht, son responsable juridique, qui ont assuré hier la défense des intérêts du Standard. En insistant sur « l’aberration d’un règlement que la Pro League a voté avant même que la décision ne tombe dans l’affaire Charleroi-Standard de la saison dernière », mais en demandant pourtant à la Commission des Litiges de… l’appliquer au sens strict du terme.
« Les supporters du Standard sont responsables de l’interruption temporaire de la rencontre, ceux de Charleroi de son interruption définitive », a expliqué d’entrée Me Ernès, invoquant l’article 1917 du règlement fédéral qui stipule que lorsque l’arbitre arrête définitivement le match, celui-ci « est perdu avec des chiffres de forfait par le club qui est à la base des incidents ». Par Charleroi donc… Pas question pour le Standard d’entendre parler de double forfait. « Sinon, un club qui a provoqué une interruption temporaire et dont l’équipe mène au score doit prier pour que les supporters adverses ne fassent pas de même… » Traduction : par l’interprétation stricte du règlement, le club liégeois entend empocher les 3 points et être condamné à… 1.500 euros d’amende. « C’est la somme que Charleroi avait dû débourser pour l’arrêt temporaire du match à Saint-Trond fin octobre. Parler de huis clos automatique, c’est disproportionné ».
« On possède le plus d’interdits de stade. Serait-ce le cas si on ne bougeait pas ? » – Pierre Locht
Mais il y a, pour la défense du Standard, une deuxième façon d’interpréter le règlement, ratio legis (la raison d’être de la loi). « La Pro League a sanctionné les deux clubs d’une amende de 25.000 euros pour, chacun, une interruption temporaire », a plaidéMe Grégory Ernès. « Le règlement n’a tout simplement pas prévu le cas de figure où les incidents sont causés par les supporters des deux clubs. C’est un vide total aussi par rapport à l’issue du match. Il faut donc trouver une solution et s’en remettre à la législation de l’UEFA. Sur ce plan-là, les instructions sont très claires : en cas d’interruption définitive du match, on rejoue le nombre de minutes dont le match a été imputé. C’est arrivé à trois reprises, dont à AZ Alkmaar – Atromitos et à Albanie – Macédoine. Aux Pays-Bas aussi, lors d’une rencontre entre NAC Breda et Willem II. Le match s’était poursuivi et terminé trois semaines plus tard.
» Dans la foulée, Pierre Locht a voulu apporter une réponse à ceux qui prétendent que le Standard n’a rien fait, et globalement ne fait jamais rien, pour identifier les fauteurs de troubles. « Notre club est celui qui possède le plus grand nombre d’interdits de stade. Serait-ce le cas si on ne bougeait pas ? Et lorsqu’on prend une mesure forte, en interdisant nos supporters de déplacement, c’est la Pro League qui nous en empêche… » Grégory Ernès saisit la balle au bond pour s’adresser de vive voix aux membres de la Commission des Litiges. « On devient de plus en plus répressif, avec des amendes importantes à payer à la fédération et automatiques à verser à la Pro League. Allez-y ! Sanctionnez le Standard d’un score de forfait et d’un, deux, trois ou quatre matches à huis clos ! Cela ne changera rien et ne réglera pas le problème tant que vous ne punirez que les clubs. Croire que les pseudos supporters vont s’assagir parce que leur club a écopé d’une amende financière, c’est être complètement à côté de la plaque. Ici, que peut-on reprocher au Standard ? Rien. Quel est son comportement fautif ? Aucun. La réglementation n’est pas appropriée. Si vous avez des solutions, dites-le nous ! Il est temps d’avoir sur la problématique une réflexion un peu plus structurée ».
Et Pierre Locht de conclure en demandant deux matches de suspension à l’égard de Nicolas Penneteau, le gardien français du Sporting, pour provocation. « Il n’y a pas que deux projectiles qui ont été lancés en direction de Guillaume Hubert, mais une pluie de projectiles. Mais lui est resté debout sans provoquer…»
D’un point de vue carolo – Me Mayence : « On ne peut pas acter le résultat »
Pour faire simple, on écrira queles représentants carolos, en l’occurrence le directeur administratif du club qu’est Pierre- Yves Hendrix et le ténor du Barreau carolorégien qu’est Me Mayence se sont en quelque sorte laissé vivre lors de l’audience de début d’après-midi hier à Bruxelles, passant le plus clair de leur temps à écouter les arguments de défense de leurs opposants par rapport au réquisitoire du procureur fédéral. D’ailleurs, M. Hendrickx n’a pas souhaité utiliser son droit à la parole alors que Jean-Philippe Mayence s’est efforcé de garder une certaine hauteur de vue. Dans le dossier d’il y a un an l’opposant aux mêmes contradicteurs, il s’était en tout cas montré beaucoup plus pugnace.
La raison de cette espèce de passivité observatrice matinée d’un certain détachement est toute simple : le Sporting n’a en fait pas ou plutôt plus grand chose à perdre dans toute cette affaire. En effet, le gros de la facture lui a déjà été présenté par la Ligue professionnelle avec cette amende de 50.000 euros que Mehdi Bayat s’était empressé d’accepter en affichant une bonne grâce de circonstance. Et, ce mardi, le procureur s’est directement chargé de mettre les Carolos sur le velours en ne requérant « que » 5.000 euros d’amende alors que le spectre d’un match à huis clos n’était pas une vue de l’esprit. En pareil cas, la plaidoirie eût sans doute été différente. Dès lors, c’est une délégation zébrée presque heureuse du sort qu’on s’apprête à lui réserver qui a suivi en roue libre la défense liégeoise.
La suite fut à l’avenant. Alors que l’amende qui ne manquera pas de suivre ne sera a priori pas contestée par le RCSC quel qu’en soit le montant, Me Mayence a surtout rappelé qu’on se dirigeait vers un drame si toute l’approche générale du phénomène des fumigènes et autres projectiles fusant des tribunes n’était pas revue. Il a aussi défendu un Penneteau qui, selon lui, n’était plus en état de jouer. Il a également regretté que le match n’ait pas été arrêté avant le dernier incident ce soir-là en s’appuyant notamment sur l’exemple récent de Metz-Lyon. Selon Mayence, il y a une distinction évidente entre des faits liégeois qu’il qualifie de déclencheurs et collectifs et des faits carolos qu’il juge réactifs et isolés, ce qui est de bonne guerre. Mais finalement, que réclame Charleroi dans tout ça ? Eh bien… trois fois rien, en fait ! « Pour moi, on ne peut pas rejouer le match et on ne peut pas acter un résultat sportif influencé par de tels comportements de supporters », a assené l’avocat zébré. Et d’ajouter sur un ton presque badin et pour la forme : « Mais si vous donnez les trois points à quelqu’un, ce doit alors être à celui qui a commis la faute la plus légère… » Et de conclure tout en précisant préférer être à sa place qu’à celle des membres de la commission : « Et si vous décidez qu’on doit rejouer, la question d’un huis clos doit sans doute se poser…»
« Le match aurait dû être arrêté plus tôt. Penneteau n’était plus en état de jouer » – Me Mayence
En quittant la Maison de Verre, le duo Mayence-Deprez, qui s’attend manifestement à ce que le règlement soit appliqué avec pour conséquence un double forfait sans points attribués, pouvait donc afficher une sérénité encore plus grande que celle qui était de mise dans son chef à son arrivée. Désormais, c’est tout aussi sereinement que les gens du Mamboug attendent le verdict annoncé pour la semaine prochaine… Et puis, le vrai gros dossier de la semaine pour lequel les Zèbres s’agitent vraiment, c’est la perspective de rejoindre les demi-finales de la Coupe ce soir !
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