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Karel Geraerts : « Le Standard ne doit surtout pas devenir calme »

Qui mieux que Karel Geraerts, pour préfacer le choc Standard – FC Bruges de ce dimanche (14h30), à Sclessin ? Le Limbourgeois a joué dans les deux clubs où il a connu ses meilleures années.

Sa maison moderne de Varsenare, dans la banlieue brugeoise, tranche avec le caractère bucolique des lieux. Lui, le Limbourgeois, a donc posé ses pénates à Bruges, là où il a vécu une partie de sa carrière. A 35 ans, Karel Geraerts, sans club depuis le mois de juin et son départ de Charleroi, a officialisé sa retraite durant les fêtes. «Dans ma tête, ma décision était prise depuis septembre. Un ami m’a fait remarquer que je ne l’avais pas encore annoncée officiellement. C’est pour cette raison que j’ai envoyé un tweet. J’ai été surpris par le nombre de réactions. » Ces derniers mois, Geraerts a repris le tennis intensément, la course et s’occupe de ses trois enfants de 3, 5 et 8 ans. «Je me sens bien même si le football me manque. »

Pourquoi avoir arrêté ? Une lassitude physique ? Mentale ?

Non, j’avais encore des offres de D1B et de l’étranger (D2 néerlandaise, Chypre), mais tout le monde sait que je prends mes décisions avec le coeur. Il faut que tous les éléments soient réunis et je n’ai jamais ressenti ce feeling. Je suis persuadé que, physiquement, j’avais encore du répondant. A chaque fois que j’étais aligné à Charleroi, je faisais de bons matches. En revanche, dans la tête, j’avais beaucoup réfléchi ces derniers temps. Quand tu fais la route Bruges- Charleroi tous les jours, tu as beaucoup de temps pour penser.

Quelle aurait été la bonne proposition ?

Rester en D1 ! Je n’ai jamais eu peur des défis. A l’époque, quand je suis parti au Standard, tout le monde m’avait dit « pourquoi tu pars là-bas ? ». Et quand je suis arrivé à Charleroi, tout le monde me croyait fini. Mais, par contre, j’ai toujours dit à mes amis que j’aurais plus de difficultés à descendre plus bas que la D1. Avec tout le respect que j’ai pour les divisions inférieures, je savais que la tête ne suivrait pas. Je suis un joueur qui fait beaucoup de sacrifices. Les aurais-je faits en D1 B ou D1 amateur ? Pas sûr et j’aurais alors manqué d’honnêteté pour le club.

Y a-t-il un peu de déception d’avoir quitté Charleroi en jouant peu lors de six derniers mois ?

Non, car j’avais une bonne relation avec Felice Mazzù, quelqu’un de très honnête. Il m’avait expliqué la situation. Je n’ai pas eu de problèmes avec son discours, sans doute parce que Charleroi m’avait donné une occasion, deux ans auparavant, de prouver que j’avais encore le niveau. Le Sporting voulait que je reste encore un an, non pas pour être titulaire mais pour aider les jeunes. A ce moment-là, ça ne me parlait pas. Maintenant, peut-être que j’accepterais cette proposition. Mais, à l’époque, j’avais besoin de quelques mois pour faire le point.

Dans quel rôle vous voyez-vous dans le futur ?

Dans celui de tampon entre la direction et le vestiaire. Je trouve que ce poste n’existe pas assez. Un peu ce que Daniel Van Buyten fait au Standard. 0 Quel bilan tirez-vous de votre carrière ? Je n’ai aucun regret. Je peux retourner dans tous les clubs par lesquels je suis passé. J’ai fait les bons choix, j’ai été international, ce dont je suis très fier. Mes enfants ne me croient toujours pas quand je leur dis que j’ai joué chez les Diables rouges (il rit). Certes, à mon époque, on ne gagnait pas autant de matchs…

Pas de frustration d’avoir vécu les années de galère de la sélection ?

Non. Si j’avais fait partie de cette génération, je ne serais pas repris.

Quelle fut la meilleure période de votre carrière ?

Les trois ans au Standard. C’était magnifique. Quand j’y repense, j’ai la chair de poule. Quand je revois des images, je ne vois que des gens heureux. Je me sentais à l’aise là-bas. Il y avait une vraie chimie entre les joueurs et le public. C’est le seul stade où j’étais transporté, lorsque je me trouvais dans le tunnel et que j’entendais la musique. Pourtant, les premiers mois n’avaient pas été très bons. Je me souviens que Michel Preud’homme, alors directeur technique, était venu me trouver après un mauvais match. Il m’avait lâché : “Je suis venu te chercher pour ça ?” Le lendemain, à l’entraînement, j’ai tout pris. J’ai taclé Conceiçao. Quand il s’est relevé, je me suis dit qu’il allait m’engueuler. Il est venu près de moi et a dit : “Bravo, Karel, c’est cela que je veux voir. Ce sont des joueurs comme toi dont on a besoin”. Le message de Preud’homme avait servi de déclic.

Le Standard actuel a-t-il encore quelque chose à voir avec celui des années 2004-2007 ?

Non. Tout a changé. La direction, les joueurs. Le football a aussi un peu évolué. Le Standard actuel est plus technique. A mon époque, on développait un jeu plus direct, même si avec Conceiçao ou Rapaïc, on disposait aussi de joueurs techniques. Il y a une chose qui n’a pas changé : le club n’est jamais calme. Il suffit de voir comment se passe le mercato. Ça bouge tout le temps et quand tu pars là-bas comme joueur, tu le sais à l’avance.

Selon vous, cela ne sera donc jamais un club stable et tranquille ?

Non. Pourquoi ? Cela ne doit surtout pas devenir comme ça.

Comment jugez-vous l’équipe actuelle ?

Que Belfodil reste va leur faire du bien ! J’aime beaucoup Scholz également. 0Comprenez-vous le départ de Trebel ? S’il n’est plus impliqué, cela devient compliqué. Il faut toujours garder dans la tête qu’il faut penser à l’équipe avant de penser à soi-même. Cela dit, ce n’est pas pour rien si Anderlecht l’a acheté : il a des qualités. Il n’a pas choisi la facilité en signant là-bas. Moi, mon père avait négocié avec Anderlecht, mais j’avais dit non. La rivalité me semblait trop grande. Dans le même ordre d’idées, le Cercle m’a fait une proposition, il y a quelques mois. José Riga, qui m’avait connu au Standard où il était T2 de Dominique D’Onofrio, me voulait. Mais je ne me voyais pas jouer au Cercle après avoir évolué pour le Club. Et ce, même si mon fils, qui est supporter du Cercle, voulait que j’y aille.

Comment les supporters du Standard avaient pris votre transfert au Club ?

Bien… jusqu’au moment où, dans une interview, je dise que j’allais dans un top-club. Je n’aurais pas dû affirmer cela. Les supporters l’avaient mal pris.

Comment expliquer que vos quatre années brugeoises n’aient pas été aussi belles que les liégeoises ?

Il y avait beaucoup de problèmes au sein du vestiaire. J’ai sousestimé cela en arrivant. Il y a eu également la mort de François Sterchele. Au bout de deux ans, j’étais prêt à partir. Mais Adrie Koster est arrivé et après un entraînement, il m’a dit : “Désolé, Karel, mais toi, tu ne pars pas, j’ai besoin de toi.” Il croyait vraiment en moi. Quelques mois plus tard, il m’a avoué que c’était moi qu’il plaçait en premier sur sa feuille de match. Finalement, mon séjour à Bruges a pris fin à cause d’une interview. La direction avait changé en janvier, Bart Verhaeghe arrivant à la présidence avec Vincent Mannaert à la place de Luc Devroe. J’avais affirmé qu’il y avait beaucoup trop de changements et que cela nous déstabilisait en pleins playoffs. On nous avait, par exemple, affirmé que, désormais, on devait parler anglais et plus flamand. J’avais commencé l’interview en demandant si je devais la faire en flamand ou anglais. Ça avait été peu apprécié (il sourit). Mon sort était scellé.

Que pensez-vous du Club actuel ?

C’est une machine ! Tout le monde a le même objectif. Leur noyau est vaste, le club stable. C’est mon grand favori pour le titre. La Ligue des champions ? Ils l’ont abordée avec trop de blessés. J’apprécie beaucoup Ruud Vörmer, un joueur sous-estimé. Je me reconnais en lui.

Puis vinrent les épisodes OHL (2011-2014) et Charleroi (2014-2016) ?

OHL, c’était un club familial. Ronny Van Geneugden, je l’adorais. Comme entraîneur, comme homme. Charleroi, tout le monde me déconseillait d’y aller. Le club avait une mauvaise image. Aujourd’hui, il a acquis plus de respect. J’ai eu la chance de vivre à l’intérieur du Sporting et de participer à cette croissance. Comme joueur, tu sens que tu es dans un club qui change, qui grandit chaque jour. Chaque joueur qui arrive a d’abord une longue conservation avec Mehdi Bayat qui veut savoir quel être humain se cache derrière le joueur.

Vous les voyez en playoffs ?

Pourquoi pas ? Ils ont la même stabilité que Bruges. Mazzù a fait de ses joueurs des guerriers, toujours motivés.

Mazzù peut-il, un jour, entraîner un grand club en Flandre ?

Bien sûr ! La langue ? J’ai vu beaucoup d’entraîneurs à Gand ou Bruges qui ne parlaient pas le flamand. Il a les qualités pour ces clubs. Aujourd’hui, un grand club qui cherche un entraîneur doit prendre Dury ou Mazzù.

Quel est le meilleur joueur avec lequel vous ayez joué ?

Sergio Conceiçao. Il avait un impact incroyable. Pourtant, à l’époque, il y avait beaucoup de caractères forts comme Runje, Léonard, Deflandre, Dragutinovic, mais Conceiçao les surpassait tous. C’était le boss. Pour gérer ce groupe, Dominique D’Onofrio était parfait. Il n’avait pas peur. Il était petit, mais il savait leur rentrer dedans. J’ai aussi eu la chance de côtoyer des joueurs comme Fellaini ou Witsel. S’ils sont là où ils sont aujourd’hui, c’est parce qu’ils ont bossé. Ils ont aussi eu la chance de tomber sur Johan Boskamp. Pendant trois mois, il les a fait travailler. Je les vois encore chaque matin partir avec leur corde à sauter. Ils avaient faim. Aujourd’hui, quand tu dis aux jeunes qu’ils doivent bosser, ils soufflent.

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