Posté entre les perches du Standard, Gilbert Bodart multipliait les parades. Explosif sur sa ligne, véritable showmen du petit rectangle, il est rapidement devenu une légende du football belge. Sa carrière terminée, le « Gil » a tenté de se faire un nom dans le coaching. Visé, Ostende, La Louvière, notamment, ont accueilli l’idole de tous les portiers belges. Malheureusement, c’est aussi dans les travées du palais de justice de Liège qu’il s’est fait connaître… Dans les jugements rendus, son addiction au jeu avait été avancée pour expliquer ses travers. Les paris sportifs, c’est son talon d’Achille. Et son fuel, c’est l’argent. « La justice n’aura plus jamais affaire à moi », nous avait-il confié dans une interview, accordée en 2012 après le jugement rendu dans le dossier du braquage des Grottes de Han. Gilbert Bodart aurait-il renoué avec ses vieux démons ? Soyons clairs : il dément fermement les faits (lire ci-contre). Mais plusieurs témoignages de première main récoltés font état de manques à gagner conséquents pour certains clubs, après le passage du gardien. Parce que dans le foot amateur le black est roi, et pour éviter à ces petits clubs un contrôle fiscal pas piqué des hannetons, nous conserverons leur anonymat.
Il empoche les bénéfices et laisse les factures au matricule
Ainsi, en 2016, Gilbert Bodart a organisé un événement pour le compte d’un club en région liégeoise. Pour recevoir ses invités dans les meilleures conditions, il a commandé de nombreuses marchandises, du catering, du matériel divers. À l’issue de la célébration, il a empoché les bénéfices, laissant les factures au matricule. Le montant est élevé, on parle de plusieurs milliers d’euros d’ardoise.
Un autre matricule, également en région liégeoise, a aussi été grugé. « À son arrivée, le deal était clair : il devait m’apporter 200.000 euros de sponsoring. En échange, il était payé. Mais je n’en ai jamais vu la couleur. Je m’en suis donc séparé et j’ai payé un préavis. »
« Il m’a promis des sponsors…mais au final, rien »
Des sponsors en ont aussi directement fait les frais. C’est le cas de Gilles Carité, patron de Trans Ambulance. « J’ai fait sa connaissance quand il m’a demandé d’être sponsor pour un club de la région liégeoise », nous explique-t-il. « Il m’a demandé 1.000 euros, je les ai versés sur le compte du club. Ensuite, il est venu vers moi avec une demande de 1.800 euros pour financier un challenge en Espagne. Il a joué sur la corde sensible, prétextant que certains parents ne pouvaient pas offrir le voyage à leurs enfants. J’ai bon cœur, je lui ai donné car il me promettait qu’il allait vite les récupérer. Autant dire que je ne les ai jamais revus, et qu’il n’y a jamais eu de challenge en Espagne organisé par le club. C’est crapuleux car à l’époque, il savait que mon entreprise battait de l’aile. J’ai d’ailleurs fait faillite peu de temps après. »
Quand on a le foot dans le sang, il est assez facile de se laisser berner. Qui n’a pas envie d’accueillir le grand Gilbert Bodart dans son matricule ? Lui, son nom, sa réputation, ses qualités footballistiques, en font un atout majeur pour un club de provinciale. « J’ai été émerveillé le Gilbert Bodart qui me faisait rêver quand j’étais plus jeune », nous explique un club grugé. « Il m’a promis des sponsors, des investisseurs, des contacts », nous confie un autre. « Mais au final, rien. Et pourtant, je l’ai payé. » Des actions en justice seront-elles envisagées ? Des contrats ont-ils été signés ? Là, nos interlocuteurs font la grimace… Officiellement tous bénévoles, joueurs et entraîneurs sont régulièrement payés par de petites enveloppes. C’est un secret de polichinelle, pas très bien gardé, et qui empêche la majorité de nos témoins de se retourner. Bien que certains y réfléchissent sérieusement.
«Gilbert Bodart n’a pas changé»
Si nous avons contacté Gilbert Bodart, nous avons également téléphoné à son ex-compagne, mère de son petit garçon de deux ans. Certaines sources nous rapportaient que la jeune femme, policière de son état, avait elle aussi perdu beaucoup d’argent dans l‘aventure. Après plusieurs tentatives, nous avons finalement pu lui parler quelques minutes.
Elle ne souhaite pas commenter les déboires footballistiques de l’ancien keeper des Rouches. Elle ne souhaite également pas se livrer sur sa situation personnelle.
Elle confirme par contre que le couple, qui avait à l’époque fait plusieurs fois la Une de notre journal, est désormais en instance de séparation. La belle histoire entre l’ex footballeur et sa policière est donc terminée…
Et c’est un euphémisme si on dit que la rupture entre ces deux personnes ne se passe pas bien. Les deux anciens amours sont visiblement à couteaux tirés. « Gilbert s’est servi de moi. Son addiction au jeu, ses fréquentations douteuses et ses prêts répétitifs d’argent ont fait de mon rêve un cauchemar. Mais outre l’argent, l’équilibre parental de notre petit garçon est le plus cher qu’il m’a pris. C’est ma famille qu’il a détruite », indique-t-elle, la gorge nouée. Puis, au fil de notre interview, l’ex-compagne du portier va se livrer timidement sur les raisons de la rupture.
« on m’avait mise en garde »
« Gilbert Bodart n’a pas changé, contrairement à ce qu’il raconte dans son livre. Il est resté le même. Notre espace de vie devait devenir le sien, et à sa façon ! On m’avait pourtant mise en garde mais je n’en ai fait qu’à ma tête. J’avais pourtant espéré de lui une conduite irréprochable, je lui offrais une famille, un fils, une stabilité. Vous savez, ce n’est pas son argent ou sa notoriété qui m’ont poussée à être avec lui : il s’était déjà grillé avant que je le connaisse. Et ce n’est certainement pas pour le manque d’argent que je l’ai quitté il y a plusieurs mois !
Je l’ai aimé réellement, j’aurais tout fait pour lui, mais pas à n’importe quel prix. Je dois désormais protéger ma famille de ses fréquentations douteuses. Tout ce que je souhaite désormais, c’est qu’on puisse profiter de notre petit garçon en ayant des contacts corrects. Je suis triste et touchée par le rôle qu’il a joué pendant les quatre ans de notre relation. Je n’ai par contre rien à dire sur lui en tant que papa, c’est un très bon père. »
Les Grottes de Han et Zheyun Ye
Gilbert Bodart est un homme passionné. Passionné par le foot, évidemment, mais aussi par le jeu, selon plusieurs jugements rendus. Entre 2003 et 2008, l’ex-portier du Standard de Liège avait perdu quelques 183.800 euros dans les casinos du Royaume. Acculé par les dettes, il côtoie alors à l’époque une faune fort peu recommandable. Celle-ci propose au « Gil » quelques coups fumeux pour se refaire. Bodart passe alors du monde du jeu à celui du grand banditisme, en prêtant son concours à quatre braqueurs. A cette époque, il est directeur commercial au « Domaine des Grottes de Han ». Le 17 août 2008, il laisse ouverte la porte d’un local, permettant ainsi aux quatre malfrats d’entrer. Ceux-ci braquent le patron, son épouse et une employée. Butin : 100.000 euros. Bodart est arrêté quelques jours plus tard, il passe rapidement aux aveux. Le procès s’était tenu en 2012, au tribunal correctionnel de Liège. Le dossier des Grottes n’est pas le seul sur lequel Gilbert Bodart devait s’expliquer…
On lui reprochait aussi ses relations avec un Louviérois. Par le biais de ce dernier, il avait contracté un emprunt de 60.000 euros. Un emprunt garanti par des titres issus du braquage d’un fourgon. Le dossier judiciaire évoquait aussi des investissements borderline dans une société roumaine.
« Ma pire bêtise »
Toujours devant le tribunal liégeois, un trafic de fausses monnaies était évoqué. On le suspectait d’avoir participé à l’écoulement de celles-ci. Il avait écopé d’une condamnation de 42 mois de prison, avec un sursis pour ce qui excède la détention préventive (il avait passé 4 mois en prison, NDLR). A l’époque, lors de l’instruction d’audience, le gardien déclarera que ce braquage « est la pire bêtise que j’ai réalisée ». Plus tard, dans nos colonnes, il avait évoqué son ras-le-bol d’être sans cesse assimilé au milieu du grand banditisme.
« Cela fait huit ans. Huit ans! À chaque fois, on ressasse mes déboires extra-sportifs: ma collaboration au braquage des Grottes de Han, la prison… J’ai payé. Quand me lâchera-t-on? »
Visiblement, pas tout de suite, puisqu’en 2014, c’est dans le très médiatique procès des matchs truqués qu’on l’avait retrouvé. L’homme était prévenu pour avoir corrompu le score final de plusieurs rencontres de D1, alors qu’il était coach à La Louvière. Il a été reconnu coupable et a écopé de six mois de prison avec sursis, et 2.750 euros d’amende, dont la moitié avec sursis.
«Je n’ai jamais laissé d’ardoise!»
Qu’a-t-il à dire sur les comportements qu’on lui prête ? Une chose est certaine, Gilbert Bodart était plutôt remonté quand nous l’avons eu au téléphone. L’ancienne gloire du Standard en a visiblement assez d’être assimilé aux comportements délictueux dont on l’accuse.
Quand on l’interroge sur des ardoises laissées dans certains clubs provinciaux liégeois, il monte au créneau : « C’est faux, entièrement faux ! Je n’ai jamais eu d’ardoise. Tout ceci est orchestré par mon ancienne compagne dans le but de me nuire. »
L’ancienne gloire du football nous renvoie ensuite vers son avocate, Me Christine Collignon.
À son tour, elle dément les allégations de nos témoins. « Tout ceci est inexact », souligne-t-elle. « Cela fait pas mal de temps que mon client est dans le monde du football. S’il avait eu tant de problèmes, il serait sur liste noire depuis bien longtemps. Rien de tout ça n’est donc correct et Monsieur Bodart conteste fermement ce dont on l’accuse. »
Un drôle de timing ?
À ce stade, l’avocate de l’ancien portier n’a même jamais été mandatée par son client pour ce type de préventions. « Je m’interroge sur la période de sortie de ces fausses informations. Je suis assez surprise qu’elle vous parvienne au moment où mon client est en pleine séparation. » Dont acte.
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