L’esprit et la lettre. Un antagonisme conceptuel qui doit avoir été inventé par un esprit hautement retors. Une fois mises en balance, les deux notions ont en effet tout pour être parfaitement inconciliables. L’interprétation et la règle, en droit comme en foot, ça ramène automatiquement à l’incompatibilité de deux plaidoiries, à l’âpreté d’un Clasico pour rester dans la problématique du jour. Etre amené à devoir y poser un choix, dans un rôle d’arbitre des débats, c’est forcément savoir à l’avance que l’on ne contentera personne. Et que l’on dressera de facto un peu plus un camp contre l’autre.
Si le législateur avait pourvu les cours et tribunaux de comptoirs, les ordonnances de Justice auraient une petite chance d’être aussi commentées que les décisions des arbitres sur tous les terrains de foot du pays. Celle prise après 66 secondes lors du Clasico par Bart Vertenten épouse très exactement le profil de ces verdicts que l’on n’en finit plus de commenter. Partout et par tous. Sur le zinc des bistrots, chez soi entre amis ou dans une salle de rédaction d’un journal un dimanche soir. L’arbitre belge nº1 a-t-il oui ou non eu raison d’appliquer le règlement à la lettre pour une manchette qui avait tout d’une caresse mais qui techniquement parlant, constitue un coup volontaire porté à un adversaire ?
Passée l’incompréhension, la question s’est posée durant les 88 minutes restantes d’un Anderlecht-Standard déjà faussé sans qu’un but fût inscrit par la suite. Qu’on le veuille ou non.
Cette fameuse Loi 18 du jeu, non écrite mais tellement incarnée à force d’être invoquée, a-t-elle été bafouée ou pas ? Traduction libre : le sens commun a-t-il subi un quelconque préjudice du fait d’avoir vu un quatuor arbitral se dresser comme un seul homme pour protéger les 17 autres lois, couchées noir sur blanc celles-là ? Question sans autre réponse que les latitudes octroyées par le principe même de l’interprétation.
A la décharge de Bart Vertenten, comme de ses milliers de coreligionnaires appelés à prendre ce genre de décisions sur le vif et surtout sans replay, il n’est pas non plus inconcevable qu’il ait tout simplement fait confiance à son assistant sans avoir vu le coup en douce. Panique dans l’oreillette : la scène a été vue et revue, tournée en ridicule des dizaines de fois et retournée contre ses acteurs aussi souvent.
A la réception du message comme dans son interprétation, l’arbitre a donc joué la carte de la confiance dans la lecture de son juge de ligne. Ecartelé entre les règles incontournables et celles soumises à interprétation, l’arbitre du Clasico a en quelque sorte remis son sort à ces règles qui mêlent les deux : l’esprit et la lettre. Les plus dangereuses car elles font autant de mécontents que d’heureux.
Avec une question subsidiaire par rapport à l’arbitrage vidéo : comment gérera-t-on ce genre de situation où après tous les ralentis gracieusement offerts par la réalisation, l’arbitre sera comme hier, renvoyé à sa seule conscience et deux interprétations possibles. Selon l’esprit ou la lettre. En regard de cette grande question existentielle du foot, l’être et le non-être selon Shakespeare, c’est de la philosophie de comptoir.
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